Une dégustation de vins des Domaines Ott est différente de bien d’autres, sans doute parce qu’elle exprime une identité historique, familiale et vigneronne que les amateurs de grandes cuvées en Provence connaissent bien. La «signature Ott».
Une sérénité, une maîtrise du temp et une précision qui caractérisent les trois domaines – Château de Selle et Clos Mireille en Côtes de Provence, Château Romassan en Bandol – et forcent le respect mais qu’on prend aussi pour une distance. Comme si le débat était clos au premier abord. Un verdict sévère à l’adresse d’un vin supposé sanglé dans sa perfection et qui aurait été moins sévère pour des cuvées plus fantasques ou des vins «nature» au talent improbable…
L’occasion d’une dégustation au Château Romassan m’a permis de tempérer cette approche, avec le plaisir d’être le «Candide» convié, avec plus experts, à rencontrer le rouge 2017 du domaine, élaboré par Jean-François et Christian Ott. Un millésime apparemment sans rupture majeure avec les précédents mais singularisé par l’apport de parcelles hautes du Domaine de L’Hermitage (1). Une «première» à Romassan et comme en littérature, une édition revue et augmentée.
Ce 2017 – 90% mourvèdre, 10% grenache – séduit avec élégance. Il a une stature, une puissance, des tannins soyeux, fraîcheur et suavité (2). Sans doute promis à dix à douze ans de garde, il est incontestablement «Ott», cet ADN de marque qu’est la «maîtrise du temps long».
A la rigueur de Jean-Daniel Ott, qui a tant apporté à cette propriété, répond celle des cousins Jean-François et Christian. L’engagement est identique mais la méthode a évolué. Recherche sur les porte greffes, mode de conduite en gobelets, analyses fines du sol et du sous-sol dont le profil détermine en grande partie quel vin sera produit, réflexion sur le végétal, échanges avec d’autres passionnés de la terre, remises en question plus que certitudes… cette vision générationnelle éclaire les futures vendanges du Château. Si la production de rouge y reste ultra minoritaire en regard du rosé (5000 bouteilles sur un ensemble de 285.000), le travail mené sur certaines parcelles de L’Hermitage, esquissé avec le 2017 entre retour aux sources et quête d’un vin encore plus affirmé, annonce un nouveau Bandol d’envergure.
Avant de retrouver le rouge 2017 il y eut aussi de beaux moments en compagnie des rosés 2020 des trois domaines, le Château de Selle, plus structuré, semblant l’emporter devant un Clos Mireille naturellement iodé et gourmand et le rosé du Château Romassan plus réservé. Etonnants enfin, un millésime 2008 miellé, confit, proche d’un rancio, et un 2017 à la robe délicate, presque blanche, semblant promis à une belle garde. Des rosés de délicate éducation taient proposés avant de retrouver deux rouges, cuvées 1979 et 1985, impressionnants de tenue et de longévité. J’avais cru relire quelques classiques et je découvrais des vins aux ressources d’une autre étendue.
Ott et la Roederer Collection
Evoquer les Domaines Ott c’est plonger dans l’une des plus belles histoires du vin, jalonnée de quelques dates décisives. 1896 et la découverte du vignoble provençal par l’alsacien Marcel Ott, jeune diplômé de l’Institut Agronomique de Paris. Il loue alors une terre au Domaine du Pardigon, entre La Croix Valmer et Cavalaire, où on cultive des «vins paillets» qu’on n’appelle pas encore rosés, apprend la diversité des cépages, apporte la méthode et la rigueur. Le Château de Selle est acquis en 1912 à Taradeau, métamorphosé avec ses fils Étienne et Rémy, le Clos Mireille en 1938 et le Château Romassan en 1956. Il y aura un temps pour bâtir, un temps pour restructurer. Et une constante : toujours apprendre des sols, des lieux, du raisin. Ce pourrait être la devise des cousins Jean-François et Christian Ott – quatrième génération à la tête des domaines – qui ont rejoint le groupe Roederer en 2004.
Les Domaines Ott* membres de Louis Roederer Collection, cette union a aussi marqué le monde du vin. Elle a permis d’améliorer encore leur «viticulture de finesse et de précision» dans le respect de l’autonomie vigneronne, de développer l’export et de poursuivre l’agrandissement du vignoble. Reconnus à l’international, les vins sont pourtant plus discrètement perçus en Provence, comme inscrits dans le paysage et défiés par d’autres, censés être plus actuels et innovants. Décidément, on ne passe rien aux meilleurs…
- Ce domaine de la famille Duffort (36 ha) a été acquis en 2014 ainsi que le Château de la Moutète (Côtes de Provence) du même propriétaire.
- 49 € à la propriété.
Château Romassan, 601 Route des Mourvèdres, Le Castellet. Tel. 04 94 98 71 91