Le Cours Saleya est la première image de l’art de vivre à Nice. C’est ici qu’on mesure la cote d’amour de la ville, au plus haut depuis son inscription au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Le marché, le soleil, la socca, le sud… et puis les terrasses. La dernière s’appelle Carmela et vient d’ouvrir face au Palais Caïs de Pierlas où Matisse peignit ses odalisques et la lumière de Nice (1921-1938).
Créée par Philippe Cannatella et Loïs Guenzati, elle a bien choisi son emplacement et ses parrains. Le premier incarne une saga familiale de référence, du Boccaccio fondateur (1973) à La Voglia, La Favola et Le Galet, qu’il a réunis sous la bannière Gusto Family (1). Le second a appris la bistronomie aux côtés d’Armand Crespo, le précurseur, d’abord au Comptoir du Marché puis à Peixes, qu’il détient seul désormais. On est au moins rassuré sur la conduite et l’esprit d’entreprise.
Emplacement, atmosphère, mobilier, nappage, art de l’assiette, vista du service… – Carmela cultive sa différence. Pour une adresse qui s’attaque au cap des deux cents couverts-jour elle passe sans effort son examen d’entrée à Saleya.
Les pizze n’ont pas encore le mordant napolitain (juste la moyenne pour la Pistacchio avec crème de pistache et mortadelle), le vitello tonnato plaide pour le Piémont sans convaincre, les mafalde à la truffe d’été me semblent surcotées à 21 € mais il y a beaucoup de bons moments à partager.
Ainsi la Coeur de Boeuf marinée à la verveine, stracciatella et confit d’agrumes, le tartare de nectarine et burrata, le croquant net du poulpe à la plancha, caviar d’aubergine et baby poireau, l’épaule d’agneau de 12 h, pommes grenailles au four, à la cuisson parfaite, un éclair XXL qui soutient la comparaison avec celui, culte, de Rech (Paris XVIIe) ou la glace au yaourt vitaminée aux toppings pour la fraîcheur finale.
Cette approche gastronomique qui la distingue d’une trattoria urbaine comme l’est La Voglia, est menée par Michael Abihssira, 24 ans, formé à l’Institut Paul Bocuse. Il a la fibre Alléno avec qui il a travaillé dans ses bastions étoilés (Pavillon Ledoyen, l’Abysse, Le Pavyllon) et a commencé sa période niçoise à La Petite Maison. Savoir-faire, technicité, punch nouvelle génération et impatience de son âge, il clarifie le répertoire à l’italienne de cette nouvelle maison Cannatella.
On n’est pas toujours tendre avec les restaurants d’une zone piétonne et on n’y cherche surtout pas la gastronomie de chef d’oeuvre. Mais le «bien cuisiné» existe et Carmela, décontractée à midi, côté soleil, classieuse et nappée le soir, en fait son devoir quotidien. Rien de plus réjouissant que cette montée en gamme pour faire aimer Saleya.
(1) Le groupe multiplie les projets et a également ouvert Uvita, restaurant et plage à Cap d’Ail, un laboratoire de boulangerie pour les professionnels et une e-boutique et prévoit pour 2022 un laboratoire de chocolaterie, une boutique, un restaurant sur le port de Beaulieu et une nouvelle plage privée.
3 place Charles-Félix. Tel.04 93 92 37 81. Env. 45/70 €. Ouvert tlj.