Sarran. Le nom se prononce en douceur mais roule aussi les « r » comme une rivière de son sud-ouest natal. Pages et couverture couleur brique, – celles de Toulouse, « ville rose » – ou ocre comme la terre de Roussillon, en Provence, « Sarran, Itinéraires de goûts » (Ed. Glénat) ressemble à son auteur, taillé rude, enraciné, sensible.
C’est un livre avec des recettes, loin des déferlantes du genre. Pour tout bagage, seize seulement, de la soupe de foie gras à l’huître belon à l’émulsion de tarbais au vieux rhum, en passant par la tomate et la fraise en tartare. Voyager léger, cette règle d’or !
Bien sûr, il y a la technique, le talent, la maîtrise du produit mais surtout une vibration particulière, loin de « Top Chef » qui a fait connaître Michel Sarran au delà des frontières de la haute gastronomie. L’ancrage d’une cuisine paysanne, le lien terre-mer – volaille, porc noir de Bigorre, bar, pigeon, rouget, boeuf d’Aquitaine… – les passerelles entre les rondeurs de Gascogne et le percutant de la Méditerranée – la rencontre du rouget, de l’anchois et du melon de Marmande – les souvenirs d’enfance comme l’ouverture au monde nourrissent un livre de réflexion sur le processus de création culinaire, incontestablement à offrir.
Les « plats-paysages » de l’auteur, ses dessins-croquis rappelant certains ouvrages de Michel Bras, les photos d’Anne-Emmanuelle Thion, qui traduisent vérité culinaire et poésie de la nature (roches, humus, brouillard et horizons), enfin les textes de Géraldine Pellé, docteur en géographie humaine à l’Université de Toulouse, composent le maillage réussi entre l’écrit, l’imagé et le cuisiné de Sarran, ouvrage de sens, de saveurs et d’émotion.
* Sarran, Itinéraires de goûts » (Michel Sarran, Géraldine Pellé, Anne-Emmanuelle Thion) , 390 pages, 59 €. Ed. Glénat.