Il ne faut pas tout demander à un port de plaisance. Le plaisir d’être à quai et l’appel du large, oublier la ville sans s’en éloigner, ménager des lieux d’évasion et d’autres où se restaurer. La vue, la mer, le soleil, des commerces… le port Santa Lucia n’est ni plus ni moins vertueux qu’un autre en termes de tables mais il compte une adresse singulière qui mérite attention. Ce fut Cap Santa Lucia, ouvert par Anne-Valérie Gonçalves, venue de Chamonix proposer un bon rapport prix-plaisir à une clientèle locale vite fidélisée. C’est, depuis janvier, Le Berandy de Johan Beyssou, ancré au même endroit, à deux pas de la capitainerie.
Il semble y avoir de la suite dans les idées à cette adresse et même plus que cela. Passé notamment au Mas de Pierre à Saint-Paul de Vence, au Domaine de Châteauneuf, ex Relais & Châteaux de Nans-les-Pins et pendant six ans référent cuisine à Stelo, centre de formation hôtellerie, restauration, tourisme de Saint-Raphaël, Johan Beyssou défend une gastronomie exigeante qui n’est pas toujours la priorité dans un environnement portuaire.
Dans la salle-terrasse avec table d’hôtes et fin nappage, la cause est entendue… mais pas lue. Ni menu, ni carte du jour, cela peut dérouter le client qui veut y voir clair avant de faire son choix. Mais le moment de surprise passé, la conviction de Johan Beyssou, secondé par Alexandre Chuitel, l’accueil très pro et les explications de texte d’Anouchka Vienne l’ont emporté et j’ai adhéré à cette page blanche. Une tartelette végétale pour patienter puis un délicieux amuse-bouche, purée de fenouil confit, bulbe fenouil étuvé, émulsion fenouil et Bénédictine, ouvraient ce premier menu qui n’était donc pas si imaginaire.
La suite était d’une belle légèreté terre-mer, avec des asperges vertes de Haute-Provence, condiment framboise aux épices, framboises fraîches, betterave chioggia et pousses d’herbes, et les aiguillettes de saint-pierre, radis, sauce chimichurri, huile de citron caviar et huile de coriandre. Plus en retrait, un filet de dorade, petits pois en deux textures, beurre blanc au safran et pousses de petits pois. Dommage que la chute, un crémeux chocolat noir, crémeux pistache, sauce chocolat au lait et liqueur de fève tonka, n’ait pas été à la hauteur de la démonstration.
Confiant dans ses fournisseurs (Julien Loire pour la pêche locale, Le Jardin de Piboule, Le Cayre de Valjancelle, Ma Fromagerie…), Johan Beyssou n’entend pas changer de cap ni de prix, écarte les plats de viande mais propose un vrai plateau de fromages et une carte des vins très ouverte notamment en Bourgogne et Vallée du Rhône, avec en Provence Le Clos de l’Ours, le Domaine du Gros Noré et le Château Gasqui. «Notre cuisine est organique, d’instinct et nous préparons ce que la nature nous donne», confie ce capitaine courage. Son engagement change de bien des cartes alentours et fait oublier la prise de risque. A vous de l’encourager !
101 Quai du Cdt Le Prieur, port Santa Lucia . Tel. 04 94 83 93 99. Menus déjeuner 43 et 53 €. Le soir, 64€ et 94 € (cinq services). Sur réserv. 48h à l’avance : 115 et 155 € (7 et 10 serv.). Fermé dim., lundi, mardi (ouv. dim. midi à partir du 15 juin).