En gastronomie, les bonnes adresses où l’on aime retourner ne sont pas si nombreuses. A Gémenos, La Magdeleine de Mathias Dandine est l’une d’elles. Le charme d’une bastide XVIIIe, la patine du temps, un parc protecteur, la simplicité de l’accueil, une gastronomie de création, enfin l’art de «raconter une histoire»… tous les ingrédients sont réunis pour un moment de pur plaisir.
Mon dernier dîner à La Magdeleine remonte à fin 2023, à l’heure où les restaurants retiennent leur souffle en attendant les fêtes et s’interrogent sur l’année nouvelle. A l’instant des comptes et des projets, j’ai retrouvé les vertus de cette demeure majestueuse que le chef varois a tirée de l’oubli. Une séduction sans étalage, un lieu irrésistiblement provençal, le temps comme aboli et bien sûr sa cuisine inspirée, attentive aux proches terroirs.
Au restaurant gastronomique, aménagé dans la grande bibliothèque, ancienne grange aux dalles de terre cuite, murs de pierres et noble cheminée, plats et produits s’accordent à la convivialité maison et dépassent les saveurs convenues. Ainsi la coquille Saint-Jacques de Port en Bessin marinée aux algues, cresson de fontaine et sarrasin soufflé, ou le crabe dormeur cuit au naturel, émietté de pinces en raviole de main de Bouddha, jus de presse des têtes au safran. Terre ou mer, une harmonie de cuissons et des angles nouveaux. Le canard colvert rôti au bois de genévrier, salsifi au jus, groseille et sauce poivrade, d’une gourmandise soyeuse et la pintade fermière pochée et laquée au jus «crispy» de peau et d’échalotes et panais rôtis. Autant de séquences modernes plus qu’en dévotion comme si Mathias, de Provence en provences, avait trouvé la clé du trésor : une cuisine d’identité et contemporaine, délivrée de toute vanité sous cloche et de l’effet « waou ! », ce mot stupide et paresseux.
La fraîcheur des desserts de Rudy Morel est sur cette ligne, avec une compotée de clémentine corse à la coriandre, marron d’Ardèche, clémentine givrée, confite et flambée au gin, puis l’interprétation de la mangue et mousse de fromage blanc, sculptée à la manière d’un «carocim», sorbet passion et cumbawa. Tout cela sans manières ou abus d’étiquette, chacun, du maître de salle, au sommelier et au jeune service, se souvenant de cet enseignement premier : être à l’écoute du client.
A cette gastronomie qui offre plaisir, finesse et audace sans délivrer de message inutile, ajoutons la cuisine du Grand Café, salle lumineuse et esprit «bistrot», grignotages (la pissaladière «comme à Nice») et plats de partage : vol au vent financière, crêtes de coq et sot-l’y-laisse, tête de veau pommes vapeur, cabillaud demi-sel, chou pointu au beurre d’algues et bisque de crevettes grises, Mont-Blanc de tradition, panettone perdu… Plus tard une terrine de campagne, la blanquette de veau, les pois chiches de Rougier, une exquise mousse au chocolat… Bref, faites escale à ce Café élégant et pensez à retenir un prochain dimanche pour savourer un brunch gourmand dont Mathias a le secret.
Aujourd’hui, il ne régale pas qu’à Gémenos, il a deux fers au feu. La Magdeleine depuis l’été 2019 avec Alexandre Léard, son chef et compagnon de route, et depuis l’été dernier La Bastide Bourrely, au cœur du village de Calas en pays d’Aix, dont il a confié la gastronomie à Guillaume Lemelle, déjà à ses côtés au Saint-Estève (Le Tholonet). Étoilé depuis vingt ans sans éclipse, il connait sa région par coeur et lui offre sa liberté quand d’autres en font une relique. Il réussit l’examen des quatre saisons, hivers près de la cheminée, beaux jours en terrasse sous les platanes centenaires. Sans doute parce qu’il a été à bonnes écoles (Raimbault, Ducasse, Chibois, Bruno, Tarridec, Guy Gedda…), plus intimement parce que ce varois de Bormes-les-Mimosas vit, respire et cuisine Provence, du littoral à l’intérieur des terres (1).
Ancrage et fine connaissance des terroirs. Mémoire, maîtrise, modernité. Gastronomie sereine et contemporaine, demeure romanesque, l’harmonie plutôt que le luxe… La Magdeleine est tout cela. Une simple et grande adresse au pied de la Sainte Baume. Mais alors qu’attend le guide Michelin pour relire sa Provence et attribuer la deuxième étoile ?
(1) L’Escoundudo, au cœur du village de Bormes, Les Roches à Aiguebelle, Le Saint-Estève, dans la campagne du Tholonet, La Bastide Bourrelly à Calas-Cabriès.
La Magdeleine-Mathias Dandine, 2 rond-point des Charrons, Gémenos. Tél : 04 42 32 20 16.
La Table de Mathias Dandine, menus 125, 170 € et carte. Menu 85 € à déjeuner de mardi à vendredi. Le Grand Café, menus 69 et 75 €. Ouvert tlj. Brunch uniquement le dimanche (85 €).
Menus truffes noires : au restaurant gastronomique, 160 et 180 €, au Grand Café 98 €.
Menus «Balades gourmandes» deux vendredis par mois (7 services, boissons incluses). Les prochains : vendredi 26 Janvier, «La truffe de Provence et vins de la Vallée du Rhône» 260 €. Vendredi 23 février, «La Méditerranée et les vignobles du bord de mer», 240€.
Hôtel, 30 chambres et suites. Membre de Teritoria. www.relais-magdeleine.com