Liberté, liberté chérie !… Quand il était le chef étoilé de L’Hostellerie Bérard, au cœur du village, Jean-François Bérard n’était pas vraiment du genre cadenassé, plutôt un chercheur d’accords et d’idées, délivrés sabre au clair. Formé chez Vergé, Ducasse, Chibois et Anton, il contait autant qu’il cuisinait des plats gourmands tels que le rouget en bouilon iodé au fenouil et calamars en tempura, des cèpes poêlés, condiment aux noisettes du Piémont ou une poulette rôtie à la broche, farce à la brousse d’herbes. Le temps a passé et la transmission de l’affaire familiale créée en 1969 par Danièle et René Bérard a rebattu les cartes entre village et «campagne» (1). « Jef », cet ardent de Provence, est désormais dans la plaine de La Cadière, aux fourneaux d’une bastide XIXe au charme intact et à la décontraction communicative.
L’essentiel est là : les produits du jardin, la pêche locale, le plus proche terroir, la main et le verbe du cuisinier, l’authentique et le partage… l’histoire ! Ce vendredi était ainsi jour de la bouillabaisse, «bouille» pour les intimes. On en redemandait, à peine aperçu un premier acte, anchoïade, fleurs de courgettes, pistou et parmesan. Puis les délicieux petits calamars nappés de rouge dans leur assiette grand’mère. Une escale dans les calanques avec le rouget et un consommé de crevettes grises. La suivante et le saint-pierre, fenouil glacé et cryste marine, tomates vertes confites et thym citron. Enfin, pagre et chapon, aïoli, fins cristini et fameux jus de bouillabaisse. Un interlude fenouil, citron et pastis puis une fin légère, pêches pochées, fraises et sorbet basilic et le plaisir était joué, toutes couleurs et saveurs en harmonie avec l’esprit du lieu.
Pêches, fraises et sésame à croquer Photo JG
C’est gourmand, bon enfant, bien campé sur le patrimoine et ses recettes de toujours proposées à la voix, quasiment de ténor. On ne veut rien de formaté, quelle idée ! C’est la table de Jef et on l’aime ainsi, attendrissante et perfectible, veillée par Danièle Bérard, la maman qui a l’oeil à tout dans cette bastide-refuge. Cuisiner est un sentiment et Jean-François Bérard est un sentimental. La Bastide des Saveurs est son «coin secret», son théâtre, sa table d’amis, à découvrir sans retard. Par exemple un soir d’été, à l’heure où, libre comme l’air de Provence, il apporte poêlons et soupières, commente avec cœur le produit et l’assiette et sert le meilleur de lui-même.
(1) Lire par ailleurs l’article sur Maison Bérard.
La Bastide des Saveurs, 850 chemin des Luquettes, La Cadière-d’Azur. Tel. :06 22 85 24 34. Menu 79 €. Fermé lundi, mardi, mercredi. Ateliers, cours de cuisine le samedi matin.