L’ouverture d’un restaurant c’est comme une pochette surprise. Même averti, on ne sait pas toujours ce qu’on va y trouver. De l’innovant ? Du résigné ? La jeune génération dans son urgence, l’ancienne dans ses habitudes ? A Vence, depuis peu, on y voit plus clair. La ville a de la chance, les deux dernières adresses qui viennent d’y lever le rideau cochent la case « bonne table ». Place Clémenceau, NacL de Pierre Prévost, pur autodidacte, séduit par sa gastronomie exigeante et précise (lire la critique sur ce blog). Rue Marcellin Maurel, Les Petits Tabliers a installé depuis l’automne une bistronomie talentueuse. Une aubaine.
Au coeur de Vence, ce restaurant enthousiaste et bon enfant est la table du jeu collectif. Décor de néo-bistrot, salles en dédale et, côté jardin, une tonnelle-oasis licenciée es-évasion pour découvrir la cuisine de Jean Chaillan, 29 ans, enfant de Barrême (Alpes de Haute Provence) au parcours bref mais éloquent (écoles hôtelières de Sisteron et Nice, trois ans chez Alain Llorca à La Colle-sur-Loup, quatre auprès d’Alain Passard à L’Arpège). Choix du produit avec préférence au pays vençois, art du végétal, cuissons exactes, assiette généreuse, couleurs et saveurs… sa cuisine est limpide et gourmande. Aucun jeune loup aux dents longues n’est en résidence au 7 avenue Marcellin Maurel, mais un cuisinier talentueux et modeste, qu’il faudra retrouver en toutes saisons.
Un jour de juillet, toute frontière abolie, un jambon ibérique au fin persillé et son pan con tomate à la ferveur catalane donnait le ton à l’ardoise. Puis un foie gras de canard du Domaine d’Aiguines (Saint-Jacques, Alpes de Haute Provence), soyeux et délicat. Le minestrone de légumes, sériole et basilic ? Un tableau de Provence. Les fleurs de courgettes farcies et crème d’anchois étaient dignes des meilleures collections et la pluma de porc sauce vierge, gourmande avec délicatesse. Enfin, une tarte tropézienne, légère et parfumée.
Ici, pas de parcours survitaminé d’un «ancien de» mais une adresse de bonne humeur et de vraie gourmandise. On se réfugie dans le patio-jardin, accueilli sans façons par Olivia, la sœur de Jean, ex du Beau Rivage Palace à Lausanne et Loïc, son mari, ancien d’Anne-Sophie Pic (Lausanne) et de Gérald Passedat à Marseille. C’est lui qui a la clé de la cave, sacrément étoffée, inattendue dans ce contexte « bistronomique » et déjà repérée par les amateurs. Tous terroirs, chercheuse sans oeillères et tarifée sans violence (à partir de 31 €), la carte compte quelques pépites, notamment en Vallée du Rhône, Bourgogne, Loire ou Languedoc-Roussillon.
Cette fibre caviste est l’un des atouts de l’adresse vençoise qui vient d’entrer dans le cercle restreint des tables où la cuisine est « simple et bonne ». Elle rassemble, donne du cœur à l’ouvrage et il faut la découvrir sans tarder, côté rue et côté jardin.
«Les Petits Tabliers», restaurant, café, boutique, caviste.7 avenue Marcellin Maurel, Vence. Tel. 09 81 45 97 95. E-mail : contact@lespetitstabliers.fr. Ardoise env. 50/65 €. Plat du jour 14 €. Menu déjeuner. Ouvert à midi de lundi à samedi et à dîner de jeudi à lundi. Fermé dimanche et le soir, mardi et mercredi.