Au nom du père et au nom du fils… Il en est ainsi, depuis l’automne dernier, dans ce restaurant niché au rez de chaussée d’un ancien couvent du XVIIe siècle. Il y a un an, Bruno Seillery, le père, et Alexandre Seillery, le fils, ont décidé de faire un bout de chemin ensemble et d’écrire une nouvelle page dans l’histoire de L’Ambroisy. Qui a un peu d’âge et de mémoire se souvient du Vieux Couvent de Jean-Jacques Bissières, lot et garonnais à la cuisine de bon sens, formé auprès de Roger Vergé et Alain Ducasse. Vingt-cinq ans d’une partition droite et généreuse jusqu’en 2015, année où le normand Bruno Seillery reprend l’affaire, change l’enseigne et apporte à Vence la créativité qui faisait la renommée de La Prairie, son restaurant parisien.
Quelle gastronomie entre ces murs ? Certainement pas une cuisine du nombre et de l’urgence. A cette adresse discrète et soignée, murs de pierres, tables nappées, voûtes apparentes et toiles d’art contemporain, Bruno Seillery, fibre autodidacte et membre des Disciples d’Escoffier, cultive une gastronomie d’exigence et de recherche. En octobre dernier, l’arrivée d’Alexandre a conforté son engagement. Inutile d’exhumer l’antique débat entre anciens et modernes, père et fils ont du caractère, échangent leurs idées avec franchise mais partagent la même conception du métier.
Alexandre a forgé son talent dans quelques belles adresses à Paris. Un parcours éclectique, de La Closerie des Lilas au Lucas Carton, l’adresse historique d’Alain Senderens, où il travaille huit ans auprès de Julien Dumas, son mentor, disciple de Jacques Maximin et fameux « cuisinier de la mer », à
Rech notamment. Un chef qu’il retrouvera ensuite au restaurant de l’hôtel Saint-James, avant un passage chez Hélène Darroze et un détour au Cheval Blanc Courchevel avec Yannick Alléno.
A Vence, à l’écart du centre-ville, j’ai découvert une cuisine mêlant le style et la rigueur, solide sur les fondamentaux- la maîtrise des jus et des sauces – la quête du produit, la primeur du végétal et l’expression d’une intéressante « écologie culinaire ». Deux menus portent haut cet engagement avec des plats qui croisent saveurs et couleurs sans perdre en gourmandise, intitulés à minima mais expliqués « à la table » par Bruno Seillery, auteur d’une carte des vins étoffée en Bordeaux et Bourgogne mais trop timide en Provence.
Voici la « Blanche potagère », céleri confit praliné-noisette avec mousseline de céleri fumé, croustillant de céleri et jus de céleri. Ou cet émerveillement infiniment tomate de « La Belle de Provence », inspirée d’une recette d’Hélène Darroze, une tomate cuite à la chaux pendant 2h30, farci et tartare de tomate, gingembre, gelée de tomate, sorbet tomate. Un plat intense et séducteur. Et puis le « champignon sapin », girolles, copeaux et tuile aux champignons, huile de sapin et sabayon sapin, gourmand, follement nature. Délicat, pictural, le loup confit autour de la courgette et de la berce, crème de cosmos, spaghetti de courgettes, fleur de courgette farcie et menthe. Ou encore le pigeon, navet, pistache, cromesquis aux abats et cuisse du pigeon, à la cuisson parfaite. Enfin le «namso», dessert qui rend hommage à Osman, le précieux plongeur soudanais, à L’Ambroisy depuis cinq ans.
Père et fils relèvent ainsi le défi du «gouverner ensemble ». Bruno, premier fan d’Alexandre, Alexandre, cuisinant sans compromis pour une clientèle de quinze à vingt couverts. Dans le contexte actuel et compliqué de la restauration, le choix est courageux mais tout à fait jouable. Surtout si vous venez nombreux soutenir la gastronomie effervescente de ce talentueux trentenaire.
L’Ambroisy, 37 Av. Alphonse Toreille, Vence. Tel. 04 93 58 78 58. Menus 75 (5 services) et 95 € (7 services). Carte env. 80/100 €. Fermé mardi, mercredi. Parking Toreille à 100 m.