Il fut un temps où Nice des restaurants ne pensait qu’à Nice, à son terroir, sa cuisine, ses soccas… Aujourd’hui ce protectionnisme n’est plus de mise, la cuisine niçoise résiste et existe mais la ville accueille d’autres thématiques du monde. De l’identité à la diversité, une nouvelle culture culinaire est apparue, inégale mais enrichissante. Ouvert au cours de l’été 2024, Colita (Col, pour Colombie, Ita pour Italie) est le dernier exemple en date de cette effervescence.
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La terrasse, rue Ségurane (photo @colita_restaurant_nice )
Cette fois la version proposée par Armand Crespo et conduite par les chefs Daniele Lamboglia et Carlos Gomez, est « italo-colombienne ». On n’est pas étonné de découvrir le premier, inspirateur de cette adresse à deux pas de la place Garibaldi et du port Lympia. Bistrot d’Antoine, Comptoir du Marché, Peixes, (l’art du ceviche), Le Bar des Oiseaux, Type 55, Le Bar de la Dégustation, La Cave du Cours… on connait son univers du Vieux Nice dont il a remodelé la géographie gourmande. Fin connaisseur du métier, de ses lieux et de ses opportunités, il s’en est à peine éloigné et a confié les rênes de Colita à deux de ses fidèles, Daniele l’italien, @eleinad_lamboglia , ex de Type 55 et Carlos le colombien @krlos_gmz, venu du Bar de la Dégustation.
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Au pied du nouveau boutique-hôtel Palais Ségurane, la terrasse témoigne d’une rue en pleine mutation. A proximité, ONice, rue Antoine Gautier, Les Agitateurs, rue Bonaparte et Jan, rue Lascaris. Trois tables talentueuses et étoilées dans un même quartier, qui dit mieux ? Colita (@colita_restaurant_nice ) est bien « là où çà se passe ».
Cuisine ouverte et places au comptoir pour qui veut être dans le feu de l’action, aux premières loges, aux premières braises, voilà le cœur du sujet. La salle en longueur, tamisée, matériaux bruts, décorations artisanales, poteries et miroirs (une étoile d’atmosphère à l’agence niçoise Bleu Gris (@bleugris_agence) invite notes boisées et chaleur douce et fait de cette adresse une séduisante table du soir.
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Poireaux à la braise (photo JG)
Sur la carte, tarifée sans éruption, j’ignore s’il faut évoquer les couleurs et saveurs d’une hacienda mais en découvrant ce restaurant je retrouve ce qu’a toujours cherché Armand Crespo. Imaginer chaque fois un lieu différent, éviter redites de terroir et banalisation bistronomique, rassembler et susciter une envie nouvelle. Voilà comment l’art de la braise, qui pourrait aussi bien être argentin ou catalan, autant que d’Italie et de Colombie, vint à Colita.
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La carte confirme l’engagement maison. L’assiette de légumes grillés, pesto et burrata. Les Saint-Jacques en coquilles, risotto mandarine et crumble cacao. Les poireaux à la braise, vinaigrette passion et noix de cajoux, véritable marqueur de Colita. A la braise encore les endives sauce Messine ou les artichauts et lardo di Colonnata. Et puis la séquence ceviches, l’un péruvien avec poisson blanc, oignons rouges, maïs croquant et patate douce, un autre, disons méditerranéen, au thon, lait de coco infusé citronnelle et noix de pécan… Les chefs ont la main sûre et qu’importe lequel a signé tel ou tel plat, du moment que la braise est équitable et le plaisir assuré.
Il l’est moins parfois lorsque l’assiette est servie, pas aussi ardente qu’espéré (l’entrée de poireaux) ou quand le ceviche péruano, mi doux, mi croquant, peine à convaincre le béotien que je suis dans l’univers des ceviches. Mais vient la pluma de cochon au tendre persillage, tentacules de calamar, menthe, patates, jus réduit, cuisson sans faute. Le poulpe à la flamme et purée de rutabaga ou le quasi de veau, palourdes, panais en mousseline et rôti se glissent parmi ces influences latines et il reste une faim pour des desserts gourmands, pomme confite, crème de tamarin, praliné noisette ou une pannacotta, poire confite et meringue aux algues.
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Le pari de concilier les continents n’est pas si facile à réussir et Colita l’aborde avec plus de raison que de revolucion. On en retient une cuisine hybride, ni tout à fait colombienne, ni tout à fait italienne, puisant dans les deux cultures. Table conviviale et festive, renouveau d’un quartier, paysage culinaire jamais figé, printemps volcanique en vue… il est temps de découvrir Colita !
Colita, 20 rue Catherine Ségurane, Nice. Tel.04 93 07 15 69. A la carte, entrées 13/15 €, plats 24/33 €, desserts 9 €. Menu déjeuner (entrée, plat, dessert) 23 €. Ouvert de mardi midi au samedi soir. Fermé dimanche et lundi.