Villars-sur-Var. L’Alpazur : Emilien, Chef de gare

«Arrivée de l’autorail en provenance de Nice, destination Digne-les-Bains. Les voyageurs s’arrêtant à Villars-sur-Var sont invités à goûter la cuisine d’Emilien Boillereau ! ». L’appel est fictif mais la table est réelle et on pourrait même conseiller : « L’Alpazur, ttout le monde descend ! ».

Le cv d’Emilien, formé chez Bocuse, est vite poinçonné : escale-bouillabaisse à Marseille (Le Miramar), arrêt-traiteur à Cannes (Ernest)… et aujourd’hui « chef » de gare. Christelle, sa compagne, a suivi la voie tracée par Alain Calluaud, son père – Calluaud Traiteur, une valeur sûre du Nice gourmand – et voilà la petite gare, qui avait déjà un penchant pour la réincarnation – auparavant un resto-chocolaterie – ressuscitée et pimpante.

Ni gastronomie affirmée, ni daube-raviolis connection, c’est une table comme j’en connais peu en haut-pays, atmosphère de bistrot soigné, code couleur – Nice a sa chaise bleue, Villars ses chaises rouges – et terrasse en bordure de la paisible voie ferrée dont les rails brilleront bientôt comme des sous neufs au pied du quai rénové.

L’entrée de chèvre frais au basilic est une palette de saveurs, avec pressé de lentilles façon caviar, le tournedos de canard «Rossini» un vrai plat gourmand, la tarte pomme verte meringuée une fin délicate. J’aime la maîtrise du produit, la cuisine juste, sans esbroufe, la fraîcheur irréprochable.

Ma réserve porte sur le choix proposé à l’ardoise. Dos de cabillaud, andouillette lyonnaise, côte de veau rôtie… bienvenue à cette bistronomie ferroviaire mais huit plats c’est trop de wagons en gare. Disons qu’Emilien est généreux et ne compte pas son temps. C’est en tous cas dans ce lieu convivial à moins d’une heure de Nice que gens du haut-pays et du littoral doivent se réunir autour de l’épaule d’agneau confite, de la tomme de chèvre d’Entrevaux ou de la glace artisanale au génépi.

Ils pourront aussi saluer le vin de Villars, le Clos Saint-Joseph, Côtes de Provence de valeur qu’élève Roc Sassi, à la suite de son père, sur la colline voisine. Et si le Michelin prenait le Train des Pignes pour visiter l’Alpazur et témoigner que sa vaillance fait du bien au village et à la vallée ? Le guide rouge, assis sur une chaise rouge et notant «vaut un Bib!»… Bien mieux qu’un arrêt-buffet!