Avec ses falaises ocre et ses eaux turquoise, les Gorges de Pennafort sont un peu le Colorado varois. Depuis près de vingt-cinq ans, L’Hostellerie fait son miel de ce bref moment de roche et d’un environnement auquel personne, alors, ne croyait, sauf ses créateurs, Maurice et Geneviève Garassin et ceux qui en ont fait une belle étape de gastronomie, Philippe et Martine Da Silva.
Depuis la terrasse, protégée par une pergola à lames mobiles (“bio-climatique” !), l’évasion et à portée de couverts. Il y a la nature, les domaines viticoles du pays d’Esclans en avant-garde et le soir, si vous êtes insensible au canyon illuminé, on ne peut plus rien pour vous, oubliez le chemin de Callas !
Car aujourd’hui, on “va à Pennafort”, sûr de son fait et la gourmandise dans le regard. La maison est de confiance et tout sauf une assoupie ! Cette année, un pan de colline a laissé la place à une cuisine de compétition aussitôt née, aussitôt jalousée, non pour le profil du chef, gravé dans l’inox par l’artiste toulonnais Bernard Bezzina (on volerait ses sets de table aux mille mots!), mais pour l’accord du rationnel et de la technologie. Philippe Da Silva, qui fit la renommée de Chiberta, près des Champs-Elysées, conforte ainsi un esprit de cuisine qualifié de néo-classique et contemporain, dépouillé peut-être, généreux assurément.
Cet été, tout a commencé par une fraîcheur provençale avec l’émincé de tomates-ananas, copeaux de courgette jaune, parmesan et sorbet basilic. Parfum, soleil, légèreté absolue, huile d’olive du moulin de Callas. Auparavant il aurait fallu un autre mot qu’amuse-bouche pour qualifier une note de homard aux airs de gaspacho ou la terrine de foie gras et gelée cerise, servies avant qu’on ait esquissé le moindre geste. Simple rappel : de cette hostellerie du bien-vivre, personne, jamais, n’est reparti la faim au ventre !
J’ai aimé ces péchés-signature qui vantent plus le produit que le terroir- les délicates ravioles de foie gras et parmesan, les langoustines poêlées aux champignons, le saint-pierre sauce persil, févettes et olives, le ris de veau braisé et pousses d’épinards – l’entracte bienvenu – granité citron vert et sorbet aux airelles – la fin sans artifices – millefeuille à la vanille, macaron aux framboises et sorbet litchi… tous plats mis en forme dans l’extra-cuisine par le discret bourguignon Anthony Salièges, revenu à Pennafort après un intermède à Chablis.
En fait, on se rend chez Philippe Da Silva pour savourer, se blottir, se rassurer. Retrouver un autre monde que celui des énervés, agenceurs de virgules et coureurs de réseaux sociaux. Ici, c’est du sérieux. De l’abondant. On peut dire, à l’ancienne. Non passéiste ou au ras des écuelles mais l’assiette soignée, servie sans effets de manches par un personnel attentif et à l’oeil exercé.
Odile, la chef-sommelière, parle simplement de ses vins de coeur sur une carte huppée où les cuvées du Château Saint-Julien, élevées par Claire, la fille de Geneviève Garrassin, tutoient les grands Bourgogne. L’étoile sert de boussole – le sud Da Silva – non de repoussoir et même si les menus peuvent grimper aux falaises, celui du marché (59 €), à midi, est une aubaine.
Alors pourquoi pas deux macarons ? Pour services rendus à la gastronomie, droiture et bravoure, bonne table et bon accueil ? Les habitués sont prêts à en découdre, des lettres s’envolent, des clics alertent Tripadvisor. Marcheront-ils sur Paris ? Philippe Da Silva ne fomentera pas ce soulèvement. Qu’apporterait l’étoile sinon une pression nouvelle. Il a la renommée, l’expérience, une voie lactée de clients et ce titre imaginaire d’étoilé du Colorado. A Pennafort, le chef a l’âme en paix et le vent des modes passe au large. Gastronomie calme, homard plutôt que terroir, accueil bras ouverts… Tout est en ordre.
Infos pratiques
- Adresse : D25, Callas 83830
- Tél : 04 94 76 66 51
- Site : www.hostellerie-pennafort.com
- Menu : Menus 59 (à déj. mardi à vendr.), 85, 95, 160 et 390 € (pour 2 pers.)
- Carte : Carte env. 120-190 €
- Chambre : 13 ch. à partir de 195 €
- Fermeture : Fermé lundi, mercr. midi, dimanche soir