Vence. Christophe Dufau ou l’esprit d’atelier

Les Bacchanales a fermé et Christophe Dufau tient aujourd’hui Les Perséides, demeure d’hôtes de charme située à Lézignan, tout près de Lourdes, dans les Pyrénées (: 06 10 34 31 44).

Déjeuner entre amis sous la tonnelle est une belle idée de fin d’été. Plus encore quand c’est à Vence, aux Bacchanales, chez  Christophe Dufau.

Les cosmos sont en fleurs, des poissons de fil de fer habitent les herbes d’un jardin poétique au coin potager et couleurs et saveurs s’écrivent au fronton des menus. « La cuisine se fonde sur l’instantané du marché, l’immédiat des saisons, le présent des envies ».

La trilogie dit vrai. Depuis dix ans, ce cuisinier-voyageur, passé par Londres, Hong-Kong, New York, enfin le Danemark et Tourrettes-Sur-Loup, a trouvé son port d’attache dans cette villa années vingt, à deux pas de la Chapelle du Rosaire peinte par Matisse.

  Bacchanales est un lieu d’art et de gastronomie, à l’écart du centre-ville. Il faut donc « monter » sur les collines de Vence pour découvrir ou retrouver l’un des étoilés les plus créatifs de la Côte d’Azur. Et qui parle d’expédition sera privé de cette cuisine de l’instant dans laquelle il est passé maître. 

A l’ouverture de Bacchanales j’avais goûté un gâteau de poutine à l’émulsion de noisettes du Piémont, un risotto de blettes et lentilles et un pot au feu de porc noir gascon,  poireaux sauvages étuvés et citron bergamote qui indiquaient sans équivoque la voie buissonnière.

J’ai retrouvé cette envie intacte, peut-être plus apaisée, avec le denti de Méditerranée, pomme de terre et fenouil de mer, le pagre, mariant maïs et fleur de cactus ou l’agneau alpin gambadant avec abricots et olives taggiasche de Ligurie. Le dessert citron et cassis, meringue aérienne et yaourt semblait un nuage après le fromage de chèvre de la Ferme des Courmettes (Bruno Gabelier à Tourrettes), servi « enfumé », bercé par le romarin et accompagné de confiture de noisette. Un seul vin fut choisi ce midi, mais quel joli blanc du Domaine de Vinceline, en Bellet !

Voila une cuisine étoilée, cotée un macaron, qui a du style et cible juste dans ses accords mets et vins, fleurs et herbes, textures et condiments, baies et agrumes, jeux de l’amer, de l’épicé, du iodé... Il y a ici un « esprit d’atelier » qui est la signature de cet étoilé en tablier bleu.

Sa cuisine lui ressemble, elle a son charisme, ardente, aiguisée, sensible, elle exprime le meilleur des terroirs du grand sud. Locavore, elle n’est pas une convertie de la veille. Ni gastronomie de la pince à épiler, ni ultime avatar du moléculaire, elle ne rêve pas d’un monde meilleur, elle est de son temps, réactivée par des jeunes venus cuisiner du monde entier, avec avantage à la filière nordique. A Bacchanales, le service est décontracté mais concerné : qui apporte les plats les a cuisinés. Christophe Dufau et les siens…

La vie n’est pas toujours facile pour les créatifs, car on pardonne moins à qui cherche et imagine qu’à celui qui reste dans le rang. Raison de plus pour prendre le chemin de Vence, sans peur et sans boussole, et se fier à cette étoile, indiscutable.