Nice. « Les Agitateurs », saine agitation !

On y est désormais habitué, les restaurants ne portent plus des noms de restaurants. Enfin, de restaurants anciens et c’est très bien ainsi. On dit « casser les codes »… Dernier exemple à Nice, avec Les Agitateurs, ouvert en mai.

C’est risqué de s’auto-proclamer ainsi sur la place publique, dans un quartier qui pond des tables nouvelles plus vite que son ombre mais ici l’ardent désir d’exister repose sur du sain et du solide.

Juliette, Samuel et Pierre-Jean se sont rencontrés à l’Institut Paul Bocuse. Puis les deux premiers s’engagent dans la haute gastronomie (Troisgros, Le Bristol, La Résidence de la Pinède…) et le troisième choisit la gestion à Shanghai. Les voies semblent tracées mais l’amitié c’est aussi créer et cuisiner ensemble et Les Agitateurs est né de cette envie.

Entre quartier du port et rue Barla, c’est une trainée de poudre, clientèle du quartier et tribu des foodies accourent tutoyer les plats des trois de Bocuse, bientôt rejoints par Emilie, elle aussi ex de l’Institut et passée chez Emmanuel Renaut (Flocons de Sel).

Blanc décor, fresque bleue, tables serrées et table d’hôtes, hyper comptoir carrelé, c’est bien et vite servi et surtout… cuisiné! Parmi quelques petits bonheurs de poche – rien à voir avec les antiques tapas – j’ai goûté, du bout des doigts ou couverts en mains, un houmous coeur de Méditerranée, à la douceur relevée de grenade, carmine et fleur de sésame, un pain-toast – de l’excellente et proche Maison Bordonnat – gorgonzola, mascarpone et confiture de figues, les poireaux vinaigrette, un râble de lapin gourmand, gratin de courge et emmental français, enfin un tiramisu digne de ce nom (café, praliné et mascarpone).

Gagné ! A midi, les habitués ont vite compris le rapport prix-plaisir de ces saveurs lisibles et délurées. Le soir, c’est Byzance et de l’inattendu au menu (39 €, cinq plats) où cohabitent une joue de boeuf confite, parmesan, châtaigne et coing, le risotto betterave, gorgonzola, carmines acidulées ou un rouget et poivrons rôtis, ail noir et curry rouge.

Le choeur des clients : même pas peur ! Car il y a de la passion et déjà du métier en cuisine – Juliette, Samuel, Emilie – chacun apporte un plat, on joue le collectif, l’écoute du client, le tempo des vins nature, la vista de l’accueil. Et un talent certain à concilier tradition et créativité à oser et rassurer, à «casser les codes» et retrouver les fondamentaux. Alors, agitez-vous !