Les Arcs-sur-Argens. Au « Relais des Moines »: Sanjou… et gagne.

Sébastien Sanjou préfère la vérité du plat à l’effet de style. Au Relais des Moines, on applaudit le goût du produit et la beauté du geste.

De loin en loin on «retourne à…» une adresse sereine ou ardente, classique ou créative mais qui compte dans le paysage de la restauration. Aux Arcs-sur-Argens, Le Relais des Moines de Géraldine et Sébastien Sanjou file vers ses vingt ans. Même ex bergerie du XVIe à flanc de côteau, même salle étagée sous les voûtes, terrasse au nouveau mobilier avec vue sur le sommet des Arcs. Mais l’atmosphère et l’accueil sont-ils intacts et entend-t-on la petite musique qui fait la différence en cuisine ?

Comme deux ou trois autres talents du Var, Sanjou est de tous les tableaux d’honneur, en particulier celui du Michelin dont il espère mieux. Mais oublions ces histoires d’étoile (s) qui minent le moral des chefs ou les envoient sur orbite.

Sujet majeur : quelle cuisine aujourd’hui ? Un premier midi de juin, terrasse pleine, j’ai vu ce qu’est une «auberge» dans l’avancée. Le menu du marché (48 €) avait ses fans mais la majorité misait sur la carte encore printanière proposée par Géraldine et les belles cuvées de Paul Luquain, le chef sommelier.

Formé chez les Frères Ibarboure, Sanjou le béarnais incarne son terroir d’origine mais nuance l’esprit porc noir et palombes d’un bel éclat sudiste. Simplicité, rigueur, produit : le fond, tendance Ducasse (dont il saisit l’accent !), prend un relief nouveau.

J’avais goûté ici une «bouillabaisse» aux légumes oubliés et je retrouve une soupe de roche au léger fumé, lisette et mini légumes (Philippe Auda), petite merveille marine-végétale, concentré terre-mer dont on ne se lasse pas. Les asperges vertes du Luberon, harmonie de cuissons et textures, la seiche du pays liée aux morilles, petits pois et lard di Colonnata, la daurade «beaux yeux» conquise par Olivier Bardoux, pêcheur à Saint-Raphaël, le pigeon de Racan, mousserons, salicornes et haricots verts, sont des plats irréfutables. 

Enfin, le moment sucré. Justement, il ne l’est pas. On est dans le «vrai», non dans le qui trop sucre mal étreint. Thierry Pouzache, le nouveau chef pâtissier, tenait boutique aux Arcs et rejoint l’esprit maison. Ses cerises noires, crues, crousti-moelleuses, parfum basilic, sont de pure fraîcheur et plus émouvantes encore les noisettes bio de Puget-sur-Argens, au craquant cacao-praliné.

Même si j’ai trouvé un peu hors sujet l’entrée de coquillages dont la virgule de caviar (Kristal, certes) s’ennuyait sur le granité iodé, j’ai noté un quasi sans faute. Comme au rugby, cela se gagne «devant» et Sébastien peut compter sur ses piliers, Hélène Esnault, son adjoint depuis neuf ans et Alexis Aubin, son second, pour hausser toujours le niveau. Cette table retrouvée ? Grand jeu !