Alerte verte, la gastronomie du végétal selon Bruno Cirino vient d’arriver. Son nouveau restaurant, ouvert fin janvier, s’appelle Racines et il est formidable.
Situé à deux pas de la Halle de la Gare du Sud et du marché de la Libération, Racines n’est ni végétarien ni vegan, échappe à toute bistronomie et n’appartient à aucune chapelle bio, tendance ou terroir. C’est un restaurant «tout légumes» mais à la façon de Bruno Cirino, deux étoiles à L’Hostellerie Jérôme et aubergiste au Café de la Fontaine, ses deux tables de La Turbie. Autant dire une pépite. Avec ce nouvel épisode, cet infatigable «fou de cuisine» formé auprès de Jo Rostang, Roger Vergé, Jacques Maximin et Alain Ducasse, qui a marqué de son passage le Royal Monceau, le Negresco, le Juana ou le Château Eza, confirme qu’il est l’un des plus grands dans la recherche du goût originel, l’exigence du produit et la maîtrise du geste culinaire.
Racines est façonné à son idée et à sa main, murs bleu de Prusse, dont un illustré de bouteilles, notes Arts Déco, objets années 70, superbe table d’hôtes aux tons miel et à la mosaïque de marbre.
Suivant le moment, la saison et l’apport de producteurs triés sur le volet, sa carte traduit une cuisine qui pousse loin le sens du détail et l’exigence mais reste gourmande, lisible accessible (une douzaine de plats de 10 à 16 €). A chaque produit un jus, une sauce ou un bouillon et bien sûr ni viande, ni poisson, ni volaille.
La crème de petits pois nouveaux et lait de bufflonne, les févettes dans un bouillon de sarriette, les légumes racines rôtis et bouillon de légumes, les tagliatelles et épinards, jus de vin, la pomme de terre de haute montagne et sabayon vert, les coeurs d’artichauts crus, jus d’oranges anguines… nul besoin de sortir de l’ENA ou de la cuisse d’Escoffier pour comprendre cette gastronomie du naturel, sans arrogance ni multiplication de saveurs.
Ayant écumé plus d’une tarte au citron, je garantis celle-ci, délicate, sans sucré majeur, violettes cristallisées et sorbet aux mandarines confites. Elle monte sur le podium devant la glace à l’orge brûlé, châtaignes, chocolat, lait de bufflonne et une gaufre minute, poire et glace à la fleur de romarin.
A cette modernité peuplée de petites merveilles répond la sélection des vins, jamais figée, de Marion Cirino qui cherche pour chaque plat l’accord le plus exact et sensible, non le plus attendu. A La Turbie, où elle prépare le concours de Meilleur Ouvrier de France, sa cave est d’exception et elle propose ici des domaines, souvent familiaux, choisis dans l’esprit de la cuisine : chardonnay Côtes du Jura du Domaine Pignier, sauvignon de Touraine «Le S» des Poëte, Cahors «La Fage» de Matthieu Cosse et Catherine Maisonneuve, Faugères Cazalet, champagne Benoît Lahaye brut nature…
Enfin, Racines est en de bonnes mains, celles d’Abdalahi Sacko, aux côtés du chef depuis près de trente ans, dont il connait l’esprit et la lettre et partage la passion. Ce bon géant, auparavant au Café de la Fontaine à La Turbie, met désormais en musique son art potager avec, en salle, Luca Pezzano, autre fidèle de L’Hostellerie Jérôme. Racines est une pépite, un lieu artisan à la vingtaine de couverts, une table qui fait du bien à Nice. Celle d’un cuisinier aux mains pures.
Infos pratiques
- Adresse : 3 rue Clément Roassal, Nice
- Tél : 04 93 76 86 17
- Carte : Env. 35/45 €. Vins à partir de 26 €, au verre 4,80/10 €.
- Fermeture : Fermé mercredi et jeudi