«La Quête d’Alain Ducasse», le film de Gilles de Maistre, a fait son apparition dans le circuit des salles le 11 octobre. C’était une première. Médiatisée bien sûr, plus discrète en termes d’entrées, deuxième vie assurée sur le web. Retour sur un documentaire où communication, cuisine, vie et passion font bon ménage…
On n’attendait sans doute pas Star Wars ou quelque blockbuster mais le long métrage sur l’enfant des Landes devenu l’un des grands chefs du monde a fait son effet, au moins dans le milieu de la gastronomie où même ceux qui ne l’ont pas vu en parlent doctement. Mais pourquoi ce film ? Ducasse n’étant pas malhabile dans ce domaine, les critiques l’ont rassuré : encore un «coup de com’» du businessman multi-étoilé, expert en domination, influence et pouvoir… Ben oui ! Ducasse ou le bon plaisir du pouvoir, pourquoi pas ? L’accueil, face caméra et menu en main, des couples Trump et Macron au Jules Verne, son restaurant de La Tour Eiffel, est dans les mémoires. Le chef qui parlait à l’oreille des présidents… Ore, sa table nouvelle du Château de Versailles – où il a reçu Poutine – point de départ et conclusion du film, est au cœur du pouvoir monarchique.
Le film est dans l’admiration-fascination que le réalisateur éprouve pour ce coureur de monde. Quête et non enquête, surtout pas cash-enquête, il est digne d’intérêt pour les sujets de fond qu’il effleure et les messages qu’il fait passer. La curiosité, cette vertu majeure, la quête de l’émotion gustative, de l’excellence, d’une gastronomie responsable – sa «naturalité», au rythme de légumes et céréales – l’obsession du produit, la formation, des siens, des autres – son école de cuisine aux Philippines – le temps jamais perdu, les rencontres, l’ouverture au monde…
Aux siens – vous écoutez, les jeunes ? – il dit de ne pas avoir peur d’aller vers l’autre, d’être toujours passionné, de déchirer sa propre page pour écrire la suivante. Paris, Monaco, Tokyo, Hong-Kong, Londres, Rio, Manille, Shanghaï, Kyoto… Etats-Unis, Brésil, Chine – quel caviar ! – ou Mandchourie (!), il enchaîne tests et découvertes, goûte – sans cesse – mâche, savoure, écarte d’un «manque d’aspérité !» l’assiette imparfaite. Sacré palais ! S’il approuve, la tête dodeline, la voix, soudain flûtée, module des «voilà… c’est çà !». Ses hochements sont connus dans sa galaxie culinaire où il est de bon ton de l’imiter.
Au delà d’un film dans l’empathie mais qui manque de flamme, où on croise Romain Meder, son chef du Plaza Athénée, Dan Barber et Massimo Bottura, ces créatifs romanesques, mais où on ne voit qu’un seul sillage, celui du stratège aux vingt-trois restaurants, on pourrait tirer cette morale à l’usage des nouvelles générations. Enrichissez-vous ! Mais pas tout à fait au sens de la célèbre formule prêtée au XIXe siècle à François Guizot, ministre de la Monarchie de Juillet («Enrichissez-vous par le travail, l’épargne et la probité»). En découvrant aux quatre coins du monde que la cuisine et ceux qui la mettent en lumière, ce n’est pas du cinéma, c’est la vie.