Bars, restaurants et hôtels avec terrasses ouvrent demain, entre impatience et prudence. Avec cette obligation : réussir le retour à la vraie vie.
Libération, renaissance, délivrance… les mots tournent en boucle chez les professionnels de la restauration. Ils n’ont pas l’humeur aux prolongations et veulent simplement retrouver leur métier pour ne pas sombrer cœurs et biens. Mais les réservations affluent, l’heure est aux serments de fidélité à la table de son choix et au plaisir démasqué et le 19 mai comme le 9 juin s’annoncent historiques. Avec ses compétences en matière de soleil et de moments festifs, la Côte d’Azur doit les réussir. L’art de la terrasse est une de ses spécialités, on n’en doute plus depuis 1968 quand Sempé, ce génial dessinateur, crayonna celle de Sénéquier, dans Saint-Tropez, vacciné au farniente (1).
Mais quelle reprise étrange ! A peine annoncée, aussitôt écornée par une occupation soldée à 50 %, une libération par bribes qui pénalise tant d’établissements et un couvre-feu rabat-joie, modulé jusqu’à fin juin. La réouverture sous surveillance est la moindre des rigueurs à admettre et reste l’affaire de tous. Mais alors que s’ouvre la saison entre jauges, grillades et mojitos, l’argument économique et le besoin de vivre ensemble l’emportent.
Prière de ne pas voir le bleu en noir mais la fabrique à stress tourne elle aussi à fond : manque de touristes étrangers, vols internationaux au compte-gouttes, clients espérés en nombre mais sans les débordements aoûtiens de l’an dernier, établissements en sursis, vague de défaillances à l’horizon 2022…
Plus problématique encore est la situation de l’emploi. Du café au palace, on cherche personnel désespérément, les confinements ont éloigné des milliers de salariés et la désertion qui inquiétait avant la pandémie vire au fléau.
Mais assez gâché la fête ! On ne peut pas avoir faim avec la peur au ventre et un constat doit nous réjouir. Cet été replacera le restaurant au cœur de la vie sociale, quel qu’il soit, convivial, éphémère ou élitiste, offrant le libre choix, la création et le service, le plaisir de la dégustation et celui de la rencontre. Il avait disparu de notre quotidien, on l’imaginait débordé par le click & collect et les soirées Netflix-canapé mais jamais comme à cet instant l’envie de restaurant n’a été aussi forte. Les clients s’empressent de réserver, ils sont là, ils s’attablent, déjà au dessert et aux commentaires, épris de liberté, incroyablement solidaires avec ceux qui les régalent. Demain 19 mai, qu’importe la jauge ou le menu, nous serons tous des clients heureux !
(1) Ed. Denoël.
Côte d’Azur : quelques tables et terrasses
La Côte d’Azur ne manque pas de terrasses gourmandes, conviviales ou luxueuses. En guise d’aperçu, voici quelques bonnes adresses du Var et des Alpes-Maritimes, ouvertes dès demain. Prière de réserver la table, la vue et le grand air.
Alain Llorca (La Colle sur Loup)
Alain Llorca, c’est l’instinct, le naturel, une gastronomie gourmande et sensuelle qui défie les modes. Au fil de la carte, pêche du Cros de Cagnes, têtes cuites en bouillabaisse, pressé à l’anis étoilé, pomme de terre nouvelle, fenouil et tomate confite; dos de loup en croûte d’aubergines à la niçoise, légumes glacés, jus citronné ; fraisier aux amandes, sablé miel, glace au thym, signé Jean-Michel Llorca… Nouveau : l’accueil chaleureux aux belles boiseries. Imbattable : la terrasse avec vue exclusive sur Saint-Paul, village, vigne et colline. Qui dit mieux ?
350 Route de Saint-Paul, La Colle-sur-Loup Tel. 04 93 32 02 93.
La Passagère (Juan les Pins)
L’Hôtel Belles Rives est de toutes les Rivieras. Un charme fou, l’art et la Méditerranée, une terrasse d’anthologie et à La Passagère, ouverte le 4 juin, la cuisine étoilée d’Aurélien Véquaud qui pousse loin finesse et détail (langoustine de casier grillée à l’âtre, févettes de pays et pamplemousse mariné, saint-pierre confit à l’orange, safran d’Ucciani et raviole herbacée, agrumes niçois et royal d’arabica aux oranges, croustillant de miel et pois chiche…). Gastronomie, environnement, patrimoine, une adresse «historique» à la séduction intacte.
33 Boulevard Edouard Baudoin. Tel. 04 93 61 02 79
Lougolin (Grasse)
Je triche, car le restaurant de Xavier Malandran n’ouvre que le 9 juin. Mais c’est pour la bonne cause gastronomique et la vue mer et collines, jusqu’au massif de l’Estérel. Maîtrise, créativité, produits sans reproches et cuisine-joie de vivre (la raviole d’artichaut façon barigoule, émulsion de sarriette et poitrine de cochon, le cabillaud à la chair nacrée, étuvée de poireaux, œufs de truite et sauce au vin blanc…). Dans la collection des terrasses, celle-ci, ombrée de tilleuls, est l’une des plus aériennes.
381 route de Plascassier. Tel. 04 93 60 14 44.
Hostellerie de l’Abbaye de la Celle
L’abbaye royale bénédictine, joyau de l’art roman, la demeure XVIIIe avec grille châtelaine et petite chapelle, parc, vignoble-témoin et la belle terrasse sous les platanes… L’Hostellerie est à elle seule un paysage-refuge. Avec La Bastide de Moustiers, tout aussi séducteur, c’est l’une des deux Maisons de charme d’Alain Ducasse en Provence. Ici, pas de vue mais la sérénité d’une grande demeure. Nicolas Pierantoni, enfant du pays, est le gardien de cet esprit maison et d’une gastronomie évidente. J’y ai goûté des plats gourmands comme les artichauts violets en barigoule et brousse du Rove, des pâtes artisanales, petits pois et riquette, un pagre de Méditerranée au fenouil fondant. Socle du terroir, authenticité, produit… cette maison ne frime pas, elle apaise.
10 place du Général de Gaulle. Tel. 04 94 98 05 14 14.
La Bastide des Magnans (Vidauban)
La maison de Christian Boeuf et de son chef Christophe Ciotta a passé le cap des vingt ans, varoise de cœur, à l’écart du village. Aux beaux jours, sur la terrasse à l’ombre des mûriers et platanes, la gastronomie, tradi et conviviale, y est en lieu sûr. Piccatas de foie gras poêlé et artichauts barigoule, pâtes aux gambas, sauce tomate épicée, carré d’agneau rôti aux aromates… Vérité du «circuit court» (Maraîcher Damien au Luc pour les tomates, fleurs de courgettes, artichauts, fromages de chèvre de Rocbaron, yaourts de la ferme du Vallat Sableux au Luc, huile d’olive du Château de Taurenne à Aups…). Une adresse de confiance.
20 Av. de la Résistance. Tel. 04 94 99 43 91.
Bello Visto (Gassin)
La vie est belle sur la terrasse de Laurence et Sylvain Humbert. Vue grand écran sur les collines et le golfe de Saint-Tropez, esprit terroir, producteurs amis (Eric Barneoud pour l’huile du Val de Bois à Gassin, fromages de chèvre de Loïc de Saleneuve à Collobrières, pois chiches et épeautre bio de Bertrand Dallais à Châteauvert…), la table régale juste et gourmand : mitonnée de petits poulpes de roche au piment d’Espelette, épeautre bio de Bras, gnocchi aux truffes du Haut Var et asperges, bouillon léger aux cébettes… Nouveau cette année, le potager, situé à deux pas, au coeur du village. L’accueil ? Adorable.
Place dei Barri. Tel. 04 94 56 17 30
Vigna (Lorgues)
La terrasse domine les vignes du Château La Martinette et la cuisine est conseillée par Juan Arbelaez (ex de Top Chef), épatante de simplicité et de fraîcheur : salade «comme en Grèce», aux tomates cerises, feta de Lemnos et olives de Kalamata, ceviche melon et agrumes, burrata des Pouilles… Pour le feeling méditerranéen, estival, raffiné, et le charme panoramique de la terrasse.
4005 chemin de la Martinette. Tel. 04 94 73 84 93