Etrange week-end, déjà labellisé «avant la réouverture» des restaurants. L’appel du 2 juin et des jours à suivre ressemblera à une libération et on en connait le mot d’ordre : ouvrir sans plus tarder après deux mois sous tranquillisants, retrouver une trésorerie, aussi mince soit-elle, rétablir le contact direct avec le client, accueillir, sécuriser, rassurer, cuisiner… revivre !
Je ne crois pas plus au scénario de la peur qu’à une folle ruée vers tables et comptoirs. Mais selon les lieux, les adresses, leur environnement, on sent une envie légitime de retrouvailles et un regain de réservations chez les plus avisés, les mieux armés ou les plus chanceux (terrasses, ensoleillement, points de vue…).
En attendant l’épreuve du terrain, encore quelques impressions, craintes et espoirs mêlés, à mi-chemin d’une année terrible et particulière.
Se méfier de… L’insouciance et le relâchement souvent rencontrés dans la rue, sur les plages ou dans certains commerces et redoutés, demain, au restaurant. On avait pourtant compris que ce virus avait des penchants assassins. Sauf à le requalifier en modeste bronchite, mieux vaut s’en protéger. Rejet, fronde, désinvolture… encore des manifestations du mal français. Le port du masque passera-t-il l’été ?
Mobiliser. Les acteurs du tourisme et de l’hôtellerie-restauration, «de la terre – et mer – à l’assiette». Agriculteurs, producteurs, vignerons, métiers de bouche, groupes, sociétés, appellations… tous les maillons d’une même chaîne sans lesquels il n’est pas de restaurants, sont au bord de la déroute sociale et économique et ont intérêt à travailler en commun. Alors que l’Etat promet une aide massive, une pétition rassemble chefs et restaurateurs de tous horizons. Du groupe Olivier Bertrand (1000 restaurants, 33000 collaborateurs) aux étoilés (Christophe Bacquié, Arnaud Donckele, Eric Frechon, Christian Etchebest, Yves Camdeborde, Gilles Goujon…), patrons de brasseries célèbres (Thierry Bourdoncle, propriétaire notamment de Sénéquier) ou poids lourds de Rungis (Gillardeau), tous réclament des mesures d’urgence, voire un Plan Marshall sans réouvertures à risque si le virus revient en force.
Bistronomie. Elle est jeune et riche de talents mais attention, danger pour les petits formats. Le p’tit resto qu’on louait pour son blottissement chaleureux pourrait être hors sujet. Ses vertus sont devenues handicaps et certains seront à la peine ou disparaîtront pour une insuffisance de mètres carrés et l’impossibilité d’une terrasse. Passer d’une vingtaine de couverts à une dizaine, «distanciés» façon plexi, mettra des adresses en péril. Le sanitairement correct, indispensable face au virus, s’avèrerait alors invivable au quotidien. Qu’en dit-on au gouvernement? Réponses la semaine prochaine.
Se réinventer. Le tube de l’été ! On frise la potion miracle, aussi salvatrice qu’est censée l’être la chloroquine à la bouillabaisse du Dr Raoult. L’expression veut tout dire et rien dire mais le ton est impérieux et expédie dans la case has been et associés ceux qui n’ont pas compris le sens de l’histoire et voudraient restaurer comme avant. Simpliste, non ? Plus sérieusement, on s’achemine vers des solutions hybrides : mener de front la table et une formule de plats livrés à domicile ou à emporter, avec site dédié, en «click & collect» ou en «click & drive». Viabilité non assurée mais le concept, envisagé par les plus réactifs et à condition d’éviter les extra additions et d’être décontaminé de tout amateurisme, semble intéressant.
Le restaurant, bien sur ! Quel autre conseil que celui-ci : allez au restaurant ! Celui qui a déjà votre confiance ou la méritera. L’adresse exemplaire préservant l’essentiel convivial sans infliger la punition d’un quelconque protocole. Service aux petits soins mais pas intensifs, fontaines hydro alcooliques, gants, visière discrète, mais accueil-barrière et lourdes panoplies à proscrire… Pas Le Grand Restaurant ou une table pour conte de fées mais celui que vous aimez, qu’il soit en classe luxe ou en version populaire.
Une longue et belle histoire, celle des restaurants ! Depuis le XVIIIe siècle et les premiers bouillons à Paris, servant des bouillons de viande, Les Frères Provençaux proposant brandade de morue et bouillabaisse ou Le Boeuf à la mode et son plat éponyme. Au siècle suivant, l’âge d’or de la restauration à Paris (Flo, Bofinger, Lipp, La Brasserie Universelle…) comme sur la Riviera (Sénéquier, 1889). Un art de vivre mille fois décliné – réinventé ? – depuis. Grand ou petit, gastro ou bistrot, nourri à la créativité ou bercé à la tradition, survitaminé aux concepts ou généreux en terroirs, vitrine, ambassade ou banc d’essai, le restaurant physique et non virtuel reste une idée d’avenir, non une vieillerie pour nostalgiques.
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Ici en Italie , je le dis parce que je pense la meme chose que vous, les jeux sont repartis lundi. Les bars sont en plein travail, table max 2 personne si ce n’est pas un famille. La municipalité a donné des mètres carrés en plus de terrasse a titre gratuit. Resultat: des foules de jeunes en “movida” sans gestes barrières….donc des risques. Les restaurants tardent à rouvrir…c est plus difficile, on verra la semaine prochaine.