Entre hécatombe d’étoilés (Chantecler, Oasis, Bacchanales…), sanctions peu compréhensibles (Quintessence), oublis et ouverture aux jeunes adresses, le passage du guide Michelin sur la Côte d’Azur marque une fausse révolution mais une nouvelle communication.
Révolutionnaire ? En tous cas habile et clairvoyant, dans les Alpes-Maritimes, où le guide ouvre les yeux sur la bistronomie haut de gamme en étoilant Pure & V (Nice), son excellent chef, le danois Mathias Silberbauer et la sommelière Vanessa Massé, ardente avocate des vins nature. Bien vu et rafraîchissant même si l’addition s’enflamme parfois au fil des cuvées. Mais il manque d’autres coups de pouce tout aussi intéressants qui auraient pu saluer la jeune classe niçoise (Chabrol, Goupil, Les Agitateurs, By PM par exemple). La nouvelle génération est en tous cas récompensée avec l’étoile de La Flibuste-Martin’s, à Marina Baie des Anges (Villeneuve-Loubet) où le punch et le style d’Eugénie Béziat, passée notamment chez Michel Guérard et Michel Sarran, a payé.
Au delà de ces bonnes nouvelles, le lot d’injustices et d’oublis est toujours aussi fourni dans une édition marquée par l’absence de nouveaux 2 étoiles dans le département malgré l’évolution de Patrick Raingeard au Cap Estel et le talent de Julien Rouchetau, arrivé récemment à La Réserve de Beaulieu. Une édition cruelle pour le Chantecler (Hôtel Negresco) où Virginie Basselot n’a pas démérité mais où l’estampille palace semble lourde à porter loin de la grande époque de Maximin, Le Stanc ou Llorca. Une mauvaise nouvelle assurément pour l’image de Nice.
A Roubion, «L’Auberge Quintessence» de Pauline et Christophe Billau perd le macaron obtenu l’an dernier au col de la Couillole ou plutôt retrouvé après leur départ du «Robur» qu’ils avaient étoilé à Roure en 2014. Jugement discutable pour une maison-courage qui a parié sur la gastronomie en altitude. Sa cuisine du produit, créative, bio et vraiment locavore, serait donc en perte de vitesse ? Les fervents de cette adresse apprécieront ce qui est aussi une sanction pour le haut-pays niçois. Sanctions encore pour L’Oasis à Mandelieu, adresse «historique», de Louis Outhier à Stéphane Raimbault, où un sacré défi attend le nouveau chef Nicolas Decherchi (ex 2 macarons à Paloma à Mougins, fermé par son propriétaire tchèque). Mougins où le Mas Candille reste étoilé à l’heure du départ de Xavier Burelle et où Denis Fétisson désespère de l’être un jour à La Place !
Celles perdues au Clos Saint-Pierre (Le Rouret) de Daniel Ettlinger, pourtant solide et régulier, et à Bacchanales (Vence) du créatif Christophe Dufau, s’ajoutent enfin au chapitre «sale temps pour les étoilés», contrairement à la perte – et non sanction – du regretté Cigalon (Valbonne), devenu le pétillant Loulou Bleu de Gilles Ajuelos.
Dans le Var, même bilan en demi teinte. Un deuxième macaron récompense la gastronomie limpide et la conduite bio d’Eric Canino et Nicolas Lopez à La Voile (La Réserve Ramatuelle), tandis que Yorann Vandriessche obtient une étoile à L’Arbre au Soleil, ouvert cet hiver sur le port du Lavandou. Un vrai talent du Nord étoilé dans la lumière du Sud, Michelin n’a pas traîné ! Mais alors que le retrait demandé par Jérôme Masson (La Rastègue à Bormes-les-Mimosas) est acté et que La Bastide de Saint-Tropez perd l’étoile avec le départ de Philippe Colinet, les espoirs à deux macarons – Sébastien Sanjou au Relais des Moines, Benjamin Collombat au Château de Berne – sont à nouveau déçus. Une trop longue attente que l’étoile attribuée, à quelques encablures (Gémenos), à La Magdeleine d’un Mathias Dandine au talent intact, ne fait pas oublier.
Enfin, en gage d’ouverture, le guide s’ouvre au grand courant vert en créant une “étoile” de Gastronomie Durable, attribuée, sur la Côte, à trois gardiens de confiance, Mauro Collagreco (Le Mirazur), Bruno Cirino (L’Hostellerie Jérôme) qui vient d’ouvrir «Racines» à Nice, et Jean-François Bérard (L’Hostellerie Bérard), comme il récompense à bon droit les chefs pâtissiers de La Palme d’Or (Cannes), de la Villa Archange (Le Cannet) et du Château de Berne (Lorgues).
Mais plus au large, que dire sur cette édition qui consacre, à 3 étoiles, Christopher Coutanceau à La Rochelle, Glenn Viel à l’Oustau de Baumanières de Jean-André Charial et Kei Kobayashi à Paris? Hier juge suprême, aujourd’hui moins dominateur mais toujours nécessaire, le guide ajuste sa stratégie au temps des réseaux sociaux, du courant du Fooding et de TripAdvisor (!) auxquels il s’est associé. Un kit de durée, voire de survie. Communication soigneusement orchestrée, Gwendal Poullennec, son directeur international, omniprésent, dégradation post mortem du restaurant Paul Bocuse dévoilée bien avant la distribution des prix pour ne pas gâcher la fête, les déclassés prévenus aux dernières heures et révélant eux-mêmes leur infortune… c’est cela aussi, le «nouveau Michelin».
Enfin, vit-on mieux avec ou sans étoile ? A quelques exceptions, même de plus en plus nombreuses, les chefs répondent incontestablement avec et ne crachent pas dans la soupière. Mais il est bien plus compliqué d’imaginer les dérives et les succès d’une gastronomie de demain aux multiples visages, encore plus starisée, mondialisée, sous pression et submergée de jugements parfois honteux, pathétiques ou violents. Dans cette perspective du pire où le meilleur reste possible, le guide rouge, ce vieil acteur au grand répertoire et aux nouveaux habits de justicier, restera-t-il une référence ?
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Chantecler et Oasis ont bénéficié pour les années 80/90 de grands noms le premier avec Maximin le deuxieme avec les freres Raimbault. J’espere que ces deux restaurants mythiques de la Riviera reviennent en grands adresses.
Selon moi, 3 etoiles pour Mirazur c’est trop. C’est un bon restaurant, c’est sur, mais surévalué.
Et deux etoiles pour le Relais des Moines, egalement serait trop à mon avis. Bacchanales c’est un bon restaurant, Clos saint Pierre….trop de simplification dans le menu, de bonnes viandes et poissons à la plancha mais desserts quelconques, entrées vraiment loin de l’étoile. Il reste un bon restaurant avec une terrasse qui est un morceau de Provence intimiste