Fin d’une belle histoire… Vous la connaissez ! «Si Paul Bocuse m’était conté». Une histoire pour grands enfants et grands gourmands dont voici le dernier chapitre. En jugeant que l’Auberge du Pont de Collonges, le restaurant de Paul Bocuse, trois étoiles sans discontinuer depuis 1965, n’en valait plus que deux, le Guide Michelin a brisé le rêve. La nouvelle, révélée par Thibault Danancher dans Le Point, à dix jours de la présentation du guide 2020, «a fait l’effet d’une bombe»… Une “première” en tous cas, sanctionnant Bocuse autant que ses successeurs. Pourtant l’effet est plutôt refroidi, comme un saucisson lyonnais oublié sur le comptoir ou une volaille de Bresse demi-deuil pleurant l’une de ses proches. Heureusement, peu de victimes, sinon quelques plumes criant au crime de lèse-patrimoine et des chefs à l’émotion feinte ou sincère.
Bocuse, nous l’avons aimé pour tout ce qu’il était. Cuisinier du produit et du bon sens, précurseur, showman malicieux, icône, ambassadeur de la gastronomie française et d’une certaine idée de la France, parrain, expert en bons mots, «empereur des gueules»… Un géant. Bocuse for ever, respect, tendresse, “Monsieur Paul” !
De son vivant, on ne touchait pas à Bocuse ! Qui aurait eu l’idée saugrenue ou l’imprudence de s’attaquer à l’institution, de déboulonner la statue du Commandeur et de dégrader l’ambassadeur de la tête de veau et du brochet en croûte ? L’écho aurait été planétaire, comme la tempête déclenchée en retour !
Paul Bocuse, on l’aimait comme une page de l’histoire de France et on quittait Collonges comme on sort d’un musée ou d’un palais gourmand de la République. Instruit, régalé, admiratif, heureux même. Mais en vérité avait-on si bien mangé ? Pas toujours, pas vraiment. On critiquait un peu, sous le manteau, cette grande cuisine, ses classiques, sa mise en scène, son rituel. Mais qu’importe, on avait «fait Bocuse» et c’était bien.
Aujourd’hui est une autre histoire. C’est toujours une autre histoire quand disparaît un maître. On ne pardonne pas aux disciples. J’ignore ce que les inspecteurs ont goûté, comment, à quelle heure et de quel appétit. Je ne sais pas davantage ce que réussira ou non l’équipe, renforcée, qui cuisine «La Tradition en Mouvement» censée être fidèle à l’ADN bocusien. Mais il me semble que l’étoile qui leur file aujourd’hui entre les mains avait déjà pâli du temps de «Monsieur Paul» et que le feu sacré n’y était plus tout à fait.
Il me semble aussi que la sévérité soudaine du guide, deux ans après sa mort, manque singulièrement d’élégance et fleure plutôt le coup marketing. “Se payer” l’après Bocuse c’est s’offrir une médiatisation sans risquer la vengeance du grand homme. Reste une tempête dans un verre de beaujolais. Pas très glorieux…
Enfin, après avoir injustement exécuté en 2019 des chefs comme Marc Haeberlin et Alain Dutournier – ne mettons pas l’affaire Veyrat dans le même chapeau – pour courir après les hyper créatifs, le guide Michelin, version «Tatie Fooding» tend les bras à la nouvelle vague et cherche à rester dans la course en s’achetant une conduite jeune qu’il maîtrise mal.
Il me semble surtout que la vie des chefs, des restaurants, des guides et des clients a changé au point de rendre «l’affaire» de l’après Bocuse et de l’étoile perdue bien dérisoire. Scandale, coup de tonnerre, péripétie, suite mais pas fin de l’épopée bocusienne ?… Mieux vaut en plaisanter. Et dans ce domaine, où il était expert, un seul être nous manque. Paul Bocuse.
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Comme Vous disiez, Paul Bocuse etait l’icone de la cuisine francaise et mondiale. Peut etre serait mieux si les guides ne donnaient pas une classement numerique a ces personnages. Mais une note institutionelle de prestige pour tout cè qui ont apporté pendenti des décennies.