«Français, vous pourrez partir en vacances… en France cet été». Sortant de sa cassette magique 18 milliards d’euros de finances publiques à destination du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, c’est à peu près le message adressé hier mercredi par le Premier ministre Edouard Philippe. Courage, partons !…
On y songe mais on finissait par ne plus croire à cette invitation en forme de libération, maîtrisant mal, dans nos déplacements, le calcul des distances permises – «à vol d’oiseau» ? – ignorant l’âge du conducteur et l’humeur du virus embusqué sur le parcours.
Un peu de soleil et des hôtels et restaurants enfin ouverts, voilà certainement une bonne nouvelle mais à prendre avec mille précautions. Non qu’on mégote sur les milliards mais parce qu’on n’est guère plus rassuré par le «faites comme cela» du gouvernement que par le vague «laissez-nous faire» de professionnels parlant plus d’ouverture que des modalités sérieuses pour y parvenir.
Ainsi dans l’acte, vital et culturel, de passer à table, l’un des plus essentiels que l’on connaisse, notamment sur la Côte d’Azur, experte en art de vivre. On ignore encore le détail des mesures imposées mais si le menu n’est pas affiché, on en devine la teneur. Certains seront-ils condamnés pour simple insuffisance de mètres carrés ? Cruel paradoxe : la distanciation sociale est devenue primordiale dans un lieu dédié au rapprochement, au partage et à l’instant festif. Voilà une donnée inédite dont dépendent la survie d’adresses de valeur et de milliers d’emplois.
On retrouve enfin la question, lancinante : comment se comportera le client ? Rien n’est garanti mais on n’a pas attendu l’invitation franco-française d’hier pour l’imaginer. Ni rejet ni ruée dans les restaurants mais un retour sous conditions, la première étant la rigueur.
Il ne saurait en être autrement. Ayant épuisé les plaisirs du cuisiner chez soi – étrange sensation d’avoir la bouche pleine et la peur au ventre – et une fois refermée la parenthèse, maîtrisée ou improvisée, des plats et menus à emporter, on l’exigera d’un établissement, quel qu’il soit, où qu’il soit, pour s’y sentir en sécurité, mieux, y revenir en confiance. Se rendre au resto, non à l’hosto devrait être le leitmotiv de l’été.
Alors, et alors seulement, bienvenue sur nos côtes, dans nos villes et nos villages, du moment que les clients et ceux qui les reçoivent, soulagés mais pas sauvés, partageront les mêmes actes citoyens.
Dans ce contexte, la Côte d’Azur, au bleu naturel et au vert tendre sur la carte des régions, a les atouts pour préserver l’essentiel. Diversité, culture et patrimoine, lumières et paysages, terrasses, tables d’artisans, bistronomie, gastronomie, hôtels de charme… Même à minima, l’espoir s’esquisse dans un environnement économique terrifiant, dont l’addition sera présentée bien plus tard. Mais pour l’instant, français, partez en vacances !