Malgré la lassitude, l’incompréhension, le manque de visibilité, l’effet de «lien» demeure entre les restaurateurs et les clients et la formule s’inscrit dans le quotidien de la restauration plus durablement qu’on l’imaginait. En attendant le retour à la «vraie vie», voici trois nouvelles adresses de la Côte d’Azur qui résistent : Keïsuke Matsushima, La Petite Maison, Le Clos Pierrepont.
Keïsuke Matsushima
Go to Keï !
S’il y a un chef qui ne craint pas le brassage des cultures c’est bien Keï. Keisuke Matsushima, formé auprès de Régis Marcon, Michel Sarran et les frères Pourcel et installé à Nice en 2002 dans un restaurant grand comme un mouchoir de poche (alors Kei’s Passion). Deux décennies plus tard, Keï, né au pays des séismes, qui connait autant le terroir niçois que celui de la Ligurie, propose d’emporter un peu de son esprit de curiosité et de son amour des produits. On commande ses plats du jour les yeux fermés, comme si on le suivait un jour de marché à Nice, Menton, Albenga ou Vintimille.
Janvier a commencé fort sur une carte où se croisent friture de gamberetti, velouté d’herbes amères à la brousse de lait de vache et côte de veau à la milanaise, pommes de terre rôties. Ce chercheur d’idées chez qui j’ai goûté l’oursin de Méditerranée en version capoun, farci de chou, figue sèche, orange confite et consommé anisé, cisèle un menu truffe de haute volée avec velouté d’artichauts épineux de Sardaigne, œuf parfait bio, truffe noire, et un cabillaud rôti, mijotée de légumes et bouillon japonais dashi. Il s’évade enfin avec un «Kei’s to go» burgerissime :Kei’s Burger “japonais”, poulet sauté sauce teriyaki, mayonnaise au wasabi, burger veau français « Corrèze », fromage et champignons de Paris, “Tonkatsu Ibérique”, porc pané, sauce épicée ou burger boeuf du Piémont, fromage, sauce Périgueux, truffes noires. Autant de textures et terroirs à découvrir avec le samouraï du «JapanNice».
22 ter rue de France, Nice. Tel. 04 93 82 26 06 ou sur http://keisukematsushima.com/#contact Formules burgers 12 à 30 €, menu 30 €, menu truffe noire 80 €. Ouvert du lundi au samedi (de mercredi à samedi la semaine prochaine).
——————
Le Clos Pierrepont
Une histoire de coeur
Au détour du communiqué du guide Michelin dont le palmarès était présenté lundi, les «Bib gourmand» étaient relégués en fin d’édition. Étrange anonymat pour un label prisé des amateurs de bonnes tables à prix modérés. On y retrouvait onze Bib du Var dont un nouveau («Beam !» à Toulon, lancé avec le chef Arnaud Tabarec) et sept exclus. Découvrir dans ce petit groupe le Clos Pierrepont, au risque de parodier Pagnol, m’a fendu le cœur… Michelin, tu nous fends le cœur pour avoir retiré cette table de gourmandise et de bon sens dont le menu «Bib» plafonne à 32 €, sous la barre maximum imposée à 34 € en province.
Oublions cette bourde… Julien Lépine cuisine «à emporter», d’un égal talent depuis le premier confinement et ne s’est plus arrêté. 400 commandes pour les fêtes de fin d’année lui ont donné du courage et le Clos tourne comme un métronome quand d’autres rament dans leurs barquettes.
Goûtez cette semaine la salade coquillages-pommes de terre, le paleron de bœuf confit, polenta aux trompettes, jus à la truffe et l’entremet amande, mandarine et croustillant noix de pécan. Du plaisir et des réservations en rafales.
Et comme il a déjà planché sur son menu de fin du mois, vous craquerez pour les arancini, crémeux de butternut et jambon du haut Var et le filet de canette, jus réduit au cassis, pommes boulangères. Dans ma critique du Clos, début octobre, je parlais d’une «auberge au grand coeur» et de la possibilité d’une étoile. Manqué ! Le guide rouge, lui, a confondu vitesse et précipitation mais avec ou sans Bib, les fidèles de Julien et Magali prennent de plus en plus nombreux la route de Montferrat.
56 route de Draguignan, Montferrat. Tel. 04.94.50.21.30. Menu 25 € proposé chaque samedi et dimanche. Commandes jusqu’à vendredi. A retirer sur place, livraisons en Dracénie.
————–
La Petite Maison
Esprit de Nice
La pandémie qui court le monde connait-elle La Petite Maison, classée au patrimoine culturel immatériel de la nissartitude ? On en doute, car sachant Nicole Rubi dans la place, brandissant le «Tous célèbres ici» de Ben comme un crucifix au nez du vampire, elle ne s’y serait pas aventuré. Ce virus ignorant a fermé tous les restaurants, à succès ou non, et voilà Nicole privée d’amis et d’ennemis, de secrets et confidences, de people et présidents, de dîners en fête, de déjeuners de soleil… de Nice ! Mais en vrai pro à la forte personnalité, elle n’a pas rendu les armes, a préservé le lien avec ses clients et a rejoint, dès la première heure, les résistants de la vente à emporter.
Les sceptiques ou les anti-Nicole, aussi remontés que des complotistes anti-vaccin, s’étonnent de ce ralliement mais les fans viennent en nombre chercher les vivres préparés par Raphaël Caruso, ténor de la cuisine du produit. Des parts de pissaladière, des beignets, des petits farcis, le b-a ba du terroir. Crevettes tièdes, huile d’olive-citron-basilic, poissons de pêche locale, risotto aux truffes noires, sans oublier le tiramisu qui, en temps de paix, passe de table en table, servi et resservi par Nicole et sa fille, Anne-Laure. Il y a même un poulet fermier farci au foie gras et une généreuse sole meunière pour deux (800 g). Ils ne sont pas de première extraction niçoise mais sont fidèles à l’esprit maison : parfums, couleurs et saveurs… de Nice !
11 rue Saint François de Paule, Nice. Tél : 04.93.92.59.59. ou 06.16.96.35.46. Carte env. 20/50 €. Ouvert de mardi à samedi.