En mars 2020, la vente à emporter aidait à surmonter le premier confinement. A l’automne, cela devenait plus sérieux et de nouveaux restaurateurs se convertissaient à cette solution d’infortune, même peu rémunératrice. Un an de pandémie approche et faute de libération, la formule demeure et aide ces professionnels à tenir bon et, pourquoi pas, à espérer en 2021. Dans cet article, Les Trois Garçons à Draguignan, Fine Gueule à Nice, Le 44 à Antibes et Villa Brignac à Ollioules.
Les Trois Garçons
Simple et gourmand
Qu’on parle gastronomie, cuisine de brasserie ou vente à emporter, il y a un esprit Bruno, une manière de conduire la restauration avec malice, charisme et pragmatisme. D’une année à l’autre, l’aubergiste de Lorgues l’applique avec succès dans sa nouvelle adresse de Draguignan. Avec ses associés Dominique Saugnac et le chef Hugo Carmona, il aborde 2021 dans l’emprisonnement imposé à la restauration mais certainement pas désoeuvré et sans voix. Bruno privé de la parole ? Une fake new de complotiste.
En revanche, la cuisine de cette brasserie née il y a un an est aussi authentique «emportée à la maison et au travail» que servie sur table. Le répertoire est de large horizon avec pizza truffes-champignons, foie gras de canard «comme à Saint-Sever», rôtisserie du jour et pommes de terre confites, boudin noir grillé, purée et pomme au four, gnocchi à la crème de truffe, fricassée de homard, gnocchi et légumes, riz au lait vanille, trifle au chocolat… Rien qui minaude mais du jovial-minute pour maison du partage.
Les «travailleurs» apprécient la formule rôtisserie comme la carte casse-croûte avec tartine de jambon de cerda (on en trouve une recette dans le Grand Livre de Cuisine d’Alain Ducasse, avec ricotta, pistou et parmesan). Un quotidien gourmand emporté de bon coeur en attendant de retrouver la convivialité signée Bruno.
10 Bd Maréchal Joffre, Draguignan. Tel. 04 94 47 78 55. Formules casse-croûte 10 €, rôtisserie 17,50 et 20,50 €. Carte 25/35 €. Commandes par tel. 7/7. Ouvert de 9h à 20h, tlj sauf dim. Parking en face.
Fine Gueule
Cuisine et origami
Rénové, agrandi, Fines Gueules est prêt pour la réouverture. Vite dit, la date du 22 janvier est déjà périmée et le temps des reprises est encore loin. Mais Kim et Géraud Gary-Bobo, formés à l’Institut Paul Bocuse, n’ont pas perdu le leur, ont abattu quelques murs et gagné en espace, et lumière. Dans la collection de la bistronomie niçoise, leur restaurant (face à l’entrée de la mairie) est l’un des plus en vue et deux confinements n’ont pas entamé son ardeur. Le bouche à oreille des clients place haut sa vente à emporter, qui reprendra après de courtes vacances, lundi 10 janvier.
Du sérieux et de la poésie dès la première image avec des plats servis en origami, art traditionnel du pliage du papier. Cette technique délicate, née en Chine au VIe siècle puis importée au Japon, accompagne les semainiers en fine box proposés par Géraud, dont le menu change chaque jour.
Pour la reprise prochaine, patate douce rôtie, yaourt grec aux herbes, suprême de volaille, crémeux et chips de panais, salade de pomelos et madeleine au miel, puis, en cours de semaine, une épaule d’agneau confite à l’orientale, une daube de bœuf et polenta ou le filet de daurade, risotto citron confit et graines de courge. Autant dire une «cuisine cuisinée» parfois absente des ventes à emporter. Fine Gueule pense aux appétits nissarts avec la pissaladière maison, régale de pâtes à la crème de truffes et parmesan et roule «tradi», sur commande, avec un Paris-Brest et pavlova pour 4 à 6 personnes. Bel exercice, Géraud !
2 rue de l’Hôtel de Ville, Nice. Tél : 04 93 80 21 64 et contact@finegueule.fr Plat du jour 15€, menu fine box, entrée, plat, dessert et demi eau 25 €. Ouv. de lundi à vendredi midi.
La Villa Brignac
Style et saveurs
Une demeure XVIIIe annoncée par une allée d’oliviers, un parc de 4 ha, une roseraie, un escalier intérieur à double révolution, des tableaux de maître… la Villa Brignac est bien à Ollioules, mais «hors les murs». A peine installée dans ses meubles d’époque, la gastronomie a été interrompue à l’automne dernier par le deuxième confinement et la fermeture des restaurants. Dommage pour David Tedde, chef de talent passé par L’Hostellerie Bérard (La Cadière d’Azur), Jean-Luc Rabanel (Arles), et le Petit Nice de Gérald Passédat. La Villa pouvait alors devenir une belle endormie, privée de clientèle, mais les propriétaires ont gardé la porte ouverte et ont joué le jeu de la vente à emporter. C’était le bon choix.
Ce n’est pas parce que l’actualité est aux barquettes qu’on ne pourrait parler de plats signatures. Ils sont aux menus, des entrées aux desserts, tels le velouté Mizzouna de céleri au chèvre, jus d’herbe et lard fumé, la daube de poulpe à la vanille et orange amère, gâteau de pomme de terre, le carré d’agneau aux herbes, polenta crémeuse aux olives, un entremet coco et chocolat au lait ou la Romance, croustillant praliné, chocolat noir, entremet de chocolat 75%, fruits rouges et mousse chocolat.
David Tedde ne néglige pas l’exercice du moment, il a le souci du dressage et cuisine avec rigueur et sensibilité. Autant de valeurs à emporter en attendant de retrouver le fil de l’histoire dans le grand salon aux miroirs et dorures de cette bastide de charme.
1363 avenue Jean Monnet, Ollioules. Tel. 04 94 62 45 44. Menu, entrée, plat, dessert 28 €.
Le 44
Le talent de Jérôme
A Antibes, boulevard Albert Ier, ce restaurant est l’une des pépites de la jeune gastronomie. Formé auprès de Francis Chauveau aux Pêcheurs (Cap d’Antibes) et second de Nicolas Mas aux Sources de Caudalie (Martillac), Jérôme Clavel résiste à cet hiver déprimant avec ses armes, cuisine de bon sens, maîtrise et délicatesse. Le goût, pas l’apparat. Un début de printemps, quand on ne parlait ni virus ni vaccin, j’y ai goûté un menu épatant de justesse avec œuf parfait en velouté d’oignons doux des Cévennes et pousses d’épinards bio du pays de Grasse, et un bar sauvage rôti à la perfection, artichauts, émulsion de barigoule, blette et coppas de Parme. On pouvait alors profiter de la large terrasse, le midi au soleil, la dernière avant «Chez Mô-Albert Ier, brasserie des produits de la mer, elle aussi convertie à la vente à emporter et dont on reparlera.
Aujourd’hui, Jérôme Clavel fait de même avec des menus-semaine mêlant tradition et créativité dont, ces jours-ci, une entrée avec tourteau, avocat et clémentine, un maigre sauvage de Méditerranée ou la poitrine de cochon fermier laqué avec fregola sarde à l’encre de seiche, potimarron et coriandre fraiche, enfin une frangipane à la poire des Alpes.
La carte des suggestions peut être plus classique avec croque-monsieur à la truffe, filet de boeuf Wellington et tartiflette de reblochon fermier mais dans tous les cas vous emportez les saveurs d’un chef talentueux qui ne triche pas et qu’il faudra retrouver… prochainement.
44 Bd Albert 1er, Antibes. Tel. 09 73 29 41 85. Menus 35 €. Ouvert de mercredi midi à dim. soir.
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