La fièvre restauratrice qui gagne Nice a moins de dix ans. Elle est au plus fort depuis cinq ans à peine. On l’appelle bistronomie, ce qui n’est plus si nouveau, et çà n’est pas prêt de se calmer. Niché depuis six mois rue Bavastro, à deux pas de Chez Pipo (la socca !) et de Jan, l’étoilé de la rue Lascaris, Chabrol est de la dernière couvée.
Intérieur sans fioritures et petite terrasse derrière l’église Notre-Dame du Port, il a un air de déjà vu, dans un jus modern’sobre comme la jeune génération en a le secret ou plutôt avec les moyens qu’elle n’a pas. Qu’ils viennent d’Uranus ou de la banlieue, les clients adorent et jugent le fond, pas la forme, tant l’assiette, dans les restaurants d’aujourd’hui, cède la place à l’écuelle. Cool, Chabrol !
On charrie Chabrol parce qu’on l’aime bien. D’abord, pour l’enseigne ! Vous êtes peut-être d’une région et d’une génération qui «faisait chabrol» ou «chabrot», de l’une de ces peuplades, périgourdine, gasconne ou languedocienne, qui terminait une soupe de légumes ou un tourin à l’ail en ajoutant – qu’on soit homme, femme ou enfant – un peu de pain et une rasade de vin rouge. Nul besoin d’être sorti de Polytechnique ou de l’Académie du Chabrol (1) pour savoir qu’il n’y a rien de tel pour péter la santé et vivre centenaire !
Chabrol est comme çà, bon vivant, hospitalier, et comme souvent dans cette nouvelle vague, c’est une affaire de copains. Ici, le duo Thibault Barbaza, en salle, ancien de l’Institut Paul Bocuse et Thomas Lemaire en cuisine, formé à Antibes auprès de Christian Morisset (Le Figuier de Saint-Esprit), dont les plats n’ont pas trente-six pays d’origine, même s’il a bourlingué à Londres, Melbourne, Saint-Barth ou Orlando.
Délicieuse, sa truite de mer, daikon et racine de capucine, cuisson parfaite du pigeonneau (servi en entrée), ail noir et tarama, revigorante mais sans excès de conversation, la selle d’agneau avec purée de chou-fleur et curry. Enfin, des desserts enjoués comme la pomme, gingembre confit, vanille et meringue ou un chic délice d’agrumes, sorbet orange sanguine.
Bref, c’est cuisiné et fort bien, et tout passe avec un Val de Loire bio «Indigène» (7 € le verre), tendre gamay-cabernet franc-grolleau du Domaine Clos de l’Elu, choisi sur l’ardoise à «pinards». Chiche, on «fait chabrol» ? Sinon, commencez par «la pitance» du déjeuner, par exemple un bourguignon de cochon pommes de terre-carottes, autre plat de belle humeur. Il ne restera plus qu’à revoir un bon Chabrol (Claude). «Poulet au vinaigre», peut-être.
(1) Siège à Calès (Dordogne). Née en 2000, elle rend hommage à Montaigne qui serait à l’origine de l’expression populaire (1580).
Infos pratiques
- Adresse : 12 rue Bavastro 06300 Nice
- Tél : 09 83 04 36 73
- Menu : Plat du jour, verre de vin et café 13,90 € (à midi). 2 plats 26 €, 3 plats 32 €.
- Fermeture : Fermé mardi à déjeuner, dimanche et lundi.