Un vin est une histoire. Encore faut-il savoir la raconter. Dans un monde de châteaux et domaines en quête perpétuelle de communication, “avoir de l’étiquette” est devenu impératif. Avant la dégustation, une cuvée invite mots et images, résume le style et l’élevage. L’expression peut être picturale, convenue, poétique, excentrique… Ou simplement juste.
J’ai rencontré celle-ci. Drôle, légère, volubile. “La Bérue Déglinguée”. Au lieu de faire court, elle s’exprime librement, presque no limit, en six étiquettes. Une pour chaque jour de la semaine et repos le dimanche !
Celui qui habille ses bouteilles s’appelle Benoît Macaigne (macaben@gmail.com), graphiste et illustrateur né à Bordeaux, comme le dessinateur Sempé qu’il admire.
Cet artiste autodidacte a illustré près de cent cuvées et a gagné quelques prix. Il ne cherche pas l’énumération et préfère créer, conter, imaginer, au plus près des domaines dont il traduit identité, couleurs et cépages et surtout l’esprit que le vigneron a voulu donner à ses vins. Vignobles Despagne (Entre-deux-Mers), Château Ballan-Larquette (Bordeaux Supérieur, Vignobles Chaigne & Fils), Château Chatard (Côtes de Bordeaux), Château Les Petits (Blaye-Côtes de Bordeaux), Producta Vignobles et leur cuvée Destination Bordeaux (AOC Bordeaux rosé), Burgus (Côtes de Bourg) et bientôt, en plus osé – pas rosé – une étiquette “50 nuances de Grain” pour Terres de Vignerons, union coopérative de L’Entre-Deux Mers…
Culture, poésie, sensibilité, le talent de Benoît Macaigne s’est nourri d’illustrateurs comme Edward Gorey, Ronald Searle, Ralph Steadman… et prend peut-être sa source chez le belge René Magritte, figuratif de la pensée abstraite et maître du Surréalisme.
Voici donc sa «Bérue Déglinguée », l’une des expressions de Château Lusseau dans la même famille depuis un siècle (1). Un Graves de bonne renommée, esprit familial, engagement bio et cohérence des cépages – cabernet sauvignon, merlot et malbec pour les rouges, sauvignon et sémillon pour le blanc, plus confidentiel (½ ha) – propriété de Bérengère Quellien, juriste devenue vigneronne.
Dès la cuvée 2015, elle a voulu cette cuvée droite dans son cépage (100% merlot) mais différente, festive, joueuse. Le vin est de caractère, enchanteur et sans arrogance, la bouteille est bourguignonne (!) et six étiquettes signées Benoît, ou plutôt six scénettes, l’habillent et la distinguent des deux autres cuvées, Bérengère et Barrique, aux tenues plus classiques. La Bérue… un surnom qui ramène sans doute à l’enfance. Et Benoît ne serait-il pas lui-même un grand enfant ?…
(1) Château Lusseau, 6 route de Lusseau. 33640 Ayguemorte-lès-Graves.