J’aime les chefs qui expérimentent, vont plus loin, choisissent la prise de risque et le plaisir pur de la cuisine. Ils marchent sur un fil, un peu artistes, un peu poètes. David Graziani est l’un d’eux. On l’a connu à Gattières à La Merenda de la place, autodidacte transformant une auberge de village en champ fertile en expériences. Gattières en était tout retourné, moi je n’aurais échangé pour rien au monde son velouté de butternut, fleur de bourrache, truffe et figues séchées, ni le foie gras poêlé rôti au miel d’acacia, poire, pomme et oignons rouges.
Puis il y eut l’épisode niçois quand il tenta de redonner un élan culinaire au Koudou sur la Promenade des Anglais et de faire vivre une gastronomie à Ogram, rue Dante. Deux défis sans lendemain. Le voici désormais au Cros de Cagnes où les propriétaires du Royalmar ont rénové cet hôtel du front de mer avec deux terrasses pour chaque instant culinaire, en rez de jardin pour la bistronomie (Le Jardin gourmand), à l’étage de L’Audace pour la gastronomie, où il propose, deux soirs par semaine, un aperçu de ses explorations.
A Gattières, il régalait à l’ardoise, jamais figée, et dépassait les facilités de terroir. Au Cros de Cagnes, il invente un menu surprise en neuf services, épatant d’imagination. Ce sont les variations Graziani, du ceviche à la fleur de courgette farcie, langouste et homard, de l’eau de concombre et melon, huître et matcha, à une délicate trilogie d’oignons. Il y a la légèreté voyageuse du thon akamé, fleurs et bouillon pad thaï et le savoureux terrien du cochon cuit à basse température. Une pause au granité Get 27 et yuzu, tartare de fraise et le menu s’achève sur un final plus en retrait (millefeuille vanille-combawa).
Si je n’ai pas tout compris, j’ai aimé la recherche, l’inattendu et l’esprit de curiosité qui est la marque de ce funambule. Sa mission dans un hôtel haut en couleurs et à vocation touristique est moins évidente mais après tout c’est un premier été. On allait presque oublier ce qui fâche, le prix, pourtant inoubliable, de ce solo culinaire. A l’étage de L’Audace, pour quelques amateurs qui ne devront pas en manquer, le menu est annoncé à 135 € sans l’accord mets-vins mais vue mer comprise. Une addition hors sol peu raisonnable, quel que soit l’engagement sur le produit, les accords inédits et les lentes cuissons. Une autre audace….
22 Promenade de la Plage. Tel. 04 93 73 39 52. Bistrot «Le Jardin gourmand» env. 35/45 €. L’Audace, menu 135 € au dîner vendredi et samedi. Ouvert tlj. Hôtel 41 chambres.