Il y a vingt ans, un gamin – qui les avait à peine – ouvrait ce restaurant à flanc de colline, ancienne propriété des Comtes de Villeneuve. Ce bigourdan ne lésinait pas sur le bon, le généreux, le goûteux et délivrait, au delà du loup ou du saint-pierre, une cuisine vaillante avec l’escalope de foie gras de canard en pot au feu ou le col vert rôti en cocotte, purée de céleri à l’huile de truffe. On aurait juré avoir vu un vol de palombes passer par dessus ce toit pyrénéen, celle servie avec quenelles pommes-poires et croustillant de purée de marron était donc une vue de l’esprit… mais que c’était bon !
Vingt ans plus tard, Sébastien Sanjou est l’un des chefs reconnus de Provence-Côte d’Azur, il a passé avec mention les épreuves de terroir, sa cuisine affinée a haussé son niveau et a convaincu une clientèle de tous horizons. Plus réservé, le guide Michelin l’a longtemps fait lanterner avant de lui concéder une étoile en 2013 (douze ans après l’ouverture) et pour l’instant s’en tient là (1).
En savourant un dernier menu d’été sur la belle terrasse plein sud, on se demande bien pourquoi un tel attentisme. La courgette-fleur farcie, condiment basilic, comme les tomates de plein champ, espadon et verveine apportent une fraîcheur nouvelle, reléguant au fond de la classe provençale les entrées de même répertoire.
Un bonheur, son rouget de roche en aïoli, percutant, lumineux; la tendreté même, l’agneau du haut Var rôti, aubergines et cébettes. Enfin la figue violette de Solliès, qui n’est pourtant pas une débutante au pays des desserts, «revit» en feuille de figuier crousti-glacée, et réjouit dans le même esprit : extraire le plus clair et le plus cohérent du produit sans faire d’un plat un animal savant.
J’ai sans doute perçu une inflexion par rapport aux saisons précédentes alors que certains lui auraient soufflé qu’elle devait être plus «lisible» pour obtenir la deuxième étoile. Cette histoire de réglages a du sens mais je n’ai absolument pas cette impression de lecture en retrouvant la cuisine gourmande qu’il façonne notamment depuis douze ans avec sa cheffe Hélène Esnault.
Une table qui se respecte ne passe pas le cap des vingt ans sans s’interroger, elle peut être immobile, se caricaturer ou verser dans une radicalité qui n’est plus de son âge et finir dans le tiroir «affaires classées». Mais Le Relais des Moines est au contraire une affaire vivante, sensible, aux aguets et elle a toute sa place dans l’actualité gastronomique. Elle est une table de convivialité et de plaisir. Un plaisir deux étoiles…
(1) Le Guide 2021 a été plus bienveillant pour le Trente-Trois, le restaurant de l’Hôtel Particulier Villeroy (Paris 8e), étoilé en à peine plus d’un mois. Sébastien Sanjou en est le conseil comme il supervise l’hôtel de La Voile d’Or, à Saint-Jean Cap Ferrat, propriété du même groupe, Wainbridge, et promis à une rénovation colossale.
Route de Sainte Roseline. Les Arcs-sur-Argens. Tel. 04 94 47 40 93 Menus 88 et 118 €. Fermé lundi et mardi.