Bormes-les-Mimosas, son village natal, Aiguebelle (Le Lavandou), Le Cap d’Antibes, Le Tholonet et La Sainte Victoire, puis Gémenos et maintenant Cabrières… C’est le parcours, dans ses grandes étapes, de Mathias Dandine, pur varois et chef étoilé à l’enracinement provençal. Sa Provence, je l’ai retrouvée mi-août à Cabriès, plus précisément à Calas, commune de Cabriès. C’est au cœur de ce hameau, autrefois fief ouvrier des chevaliers de l’ail, qu’il vient de reprendre l’ancienne Auberge Bourrelly, rebaptisée Bastide Bourrelly (1). De cette adresse aux platanes centenaires, il entend faire une demeure de grande Provence à la gastronomie affirmée comme il conduit, à Gémenos, celle de La Magdeleine.
Mathias Dandine est ainsi devenu l’homme qui réveille les belles endormies. Dans la zone d’influence marseillaise, La Magdeleine, bastide XVIIIe au pied de la Sainte Baume, vit à l’écart du village, dans un parc aux platanes majestueux. Bourrelly règne au cœur du sien, à vingt minutes d’Aix. Une institution comme on dit. De Roger Bourrelly et sa sœur Élise, à Franca, Gérard et Thomas Ottaviani, ses derniers propriétaires, trois générations de la même famille y ont maintenu une cuisine de tradition, du lapin à la royale au dos de loup à l’estragon.
Mathias apporte un souffle nouveau. Le restaurant a ouvert mi août et j’ai retrouvé aussitôt la créativité de ce chef bon vivant qui ne s’éloigne jamais de ses fondamentaux culturels et culinaires. Le dîner que j’ai fait peu après l’ouverture de la Bastide indiquait clairement la voie choisie, une partition calme mais aiguisée, attentive aux proches terroirs, du pays d’Aix aux étendues de Camargue ou aux calanques de Méditerranée.
D’une délicieuse fleur de courgette farcie de crabe, citron et marjolaine, crème de courgette et velouté «d’une marinière» ou dans l’accord osé mais délicat du taureau AOC et de l’anguille fumée dans une tartelette, râpée de poutargue et vinaigrette d’herbes, il ouvre le jeu, affine, surprend et donne le beau rôle aux légumes. Il marie sériole grillée, artichaut frit au citron confit et agnolotti d’artichaut, jus de barigoule à l’huile d’olive et rend un plat plus gourmand qu’attendu avec les côtes de carré d’agneau rôti à la sauge, cocos et girolles en mijotée à la tomate, caillette de «mémé Victoria». Le rythme sera tenu jusqu’aux desserts grâce au cannois Jean-Baptiste Gély, chef pâtissier avec l’accord subtil, fragile, du cassis vanillé et opaline et du citron givré au pastis, fenouil sauvage ou, plus apaisé, de l’abricot de Provence, crémeux à la vanille et du granité riz au lait aux amandes.
Cette transfiguration de Bourrelly est réjouissante à plus d’un titre et on y retrouve le cours de son histoire. C’est «Dandine et les siens». Comme Alexandre Léard, son compagnon de route, le seconde à La Magdeleine, Guillaume Lemelle co-signe la carte de la Bastide. Il était déjà à ses côtés au Saint-Estève (Le Tholonet), ancien notamment de Dimitri Droisneau à La Villa Madie (Cassis), de Philippe Mille aux Crayères (Reims), d’Arnaud Lallement à L’Assiette Champenoise (Tinqueux) et de Jean-Marc Banzo au Clos de la Violette (Aix-en-Provence) et confirme son talent.
Dans la salle au décor lumineux et sur la terrasse à l’ombre des platanes où le service, déjà en place, est plein d’attention, on comprend que La Bastide n’est pas une «deuxième adresse» mais une destination gastronomique à part entière. En attendant d’autres projets, non loin de Marseille, Mathias de Cabriès ou Mathias de Gémenos, à quelques lieues de distance, revendique la cuisine de sa région et en interprète chaque territoire. L’enfant qui débutait auprès de son père à L’Escoundudo, à Bormes-les-Mimosas (son prénom, Max, est gravé sur la lame des couteaux de la Bastide) poursuit ainsi son enracinement provençal et a bien mérité le GaultMillau d’Or qu’il vient de recevoir. Tradition, création, transmission, il est bien un passeur de Provences.
(1) Mathias Dandine est associé avec Serge Perottino, maire du village de Cadolive Le groupe Perottino est spécialisé notamment dans la promotion immobilière et l’hôtellerie. La rénovation de l’hôtel (16 chambres et suites) est en cours et en offrira 30 cet hiver. Piscine, spa.
lLa Bastide Bourrelly-Mathias Dandine, Place Albert Florent, Calas-Cabriès. Menus déjeuner 69 et 75 €. Menus 105 et 125 €. Carte 120/160 €. Tel. 04 42 69 13 13. et contact@labastidebourrelly.com
La Magdeleine-Mathias Dandine (1 étoile Michelin), 2 rond-point des Charrons, Gémenos. Menus Le Grand Café 69 et 75 €. Menus 125, 145 et 165 €. Tél : 04 42 32 20 16. www.relais-magdeleine.com