Cotignac est l’un des villages les plus attachants et singuliers du haut Var. Charme provençal, atmosphère aixoise, refuge d’artistes, falaise à l’habitat troglodyte (le «Rocher»), pèlerinages et apparitions (la Vierge Marie, août 1519)… et puis Lou Calen, hôtel festif et chaleureux, attirant vedettes et people avant l’heure (1), ouvert au début des années soixante-dix par Huguette Caren et Lou Calen d’aujourd’hui, domaine de trois hectares créé par Graham Porter, entrepreneur canadien de Vancouver. De l’hôtel du cours Clémenceau, fermé depuis plus de vingt ans, au projet d’envergure sur la colline, Cotignac écrit une autre histoire, tout aussi passionnante (photos JG et DR)
Engagé dans le respect de l’environnement, la biodiversité et l’aménagement durable, Graham Porter ne s’est pas trompé en choisissant Benoît Witz pour conduire la restauration du domaine. Cet alsacien passé chez Bocuse est, d’abord, de l’école Ducasse. Un fidèle parmi les fidèles. Dès les premières saisons de La Bastide de Moustiers puis à l’Hostellerie de l’Abbaye de la Celle, il a été son interprète dans la compréhension de la Provence, recettes, produits, esprit, culture… Le Var est sa patrie de saveurs, et il ne l’a jamais oubliée même à Monaco où il ne s’est pas attardé au cours de deux expériences en demi-teinte (Le Vistamar à l’Hôtel Hermitage, Elsa au Monte-Carlo Beach).
Nature, naturel, naturalité… il retrouve à Cotignac son terroir de cœur et revit. J’ai aimé l’atmosphère de sa table-tonnelle, sans effets de luxe, sa cuisine libre et d’expérience, loin d’une gastronomie formatée, l’évidence du vert, le floral, l’esprit potager (l’entrée de tartines de courgettes, picturale, délicate), l’exacte cuisson (gigot d’agneau de Sisteron et légumes d’été), la chair nacrée du poisson, la fraîcheur d’une salade de fruits au parfum vanillé.
Proche de ses producteurs, Benoit Witz l’artisan excelle dans l’art du simple et en maîtrise les nuances. La courgette-fleur farcie, en beignet et en escabèche, la pièce de bœuf et légumes bio (Mathieu Faure à Fox-Amphoux), la sériole cuite au naturel, légumes, fine brunoise de cèleri, haricots cocos et poivrons, le mille-feuille aux fraises Mara des bois (Ferdinand Vlaar à La Crau)… voilà du bon, du vrai et l’une des premières adresses à découvrir cet été, en compagnie de crus choisis, dont Le Clos de l’Ours aux subtils équilibres aromatiques (le blanc minéral de la cuvée Milia) et à la réputation étoilée et bien méritée.
Mais pourquoi «Jardin Secret» ? Parce que cette table régale dans une nature discrètement ordonnée. L’aménagement n’est pas encore parvenu à son terme, le potager a conquis ses premières restanques, bientôt vont s’ouvrir le Bistrot pour les grillades au feu de bois (cet automne), les tapas et grignotages du Bar à Vins, la Brasserie du Tailleur de bières et le Bar à Pastis mais le charme et l’évasion animent déjà cet éco-lieu par dessus les toits.
Au fil des acquisitions, le projet de Graham Porter a bien sûr «fait parler» en terre varoise. Allait-il acheter tout le village? Intitulé Lou Calen en hommage à l’hôtel d’Huguette Caren, il est pourtant l’un des plus vertueux que je connaisse en Provence. Huguette observe cette renaissance en experte des relations humaines et de la cuisine du soleil et prépare un livre de recettes très attendu, Benoît le provençal veille à l’harmonie du lieu et des saveurs, Graham conduit à bon pas son projet aux multiples facettes… Cotignac a bien des talents !
(1) Joe Dassin, fervent habitué, s’y maria en 1978. Michel Fugain, Serge Lama, Brigitte Bardot, Gilbert Bécaud, Henri Salvador… sont venus à Lou Calen. L’hôtel, bientôt rénové, a été racheté par Graham Porter.
13 rue de l’Araignée. Tél. 04 94 78 30 51. Menus 48 € et 64€ (le soir). Soirées à thèmes le lundi (coquillages et crustacés…). Ouv. à l’année du vendredi au mardi et jeudi soir en été. Bar à vins ouv. tous les soirs en été. Hôtel 12 ch. (40 l’an prochain). Tel. 04 98 14 15 29.