Nîmes est une porte du sud dont le cœur de ville se parcourt au pas du promeneur, facile à visiter, passionnant à interpréter entre Arènes, Maison Carrée, Jardins de la Fontaine, Carré d’Art signé Norman Foster, Halles par Jean-Michel Wilmotte… Un parcours d’architecture, d’histoire, d’art contemporain et depuis quelques années, une scène culinaire particulièrement créative, gastronomie étoilée ou bistronomie fringante.
A l’approche des Jardins de la Fontaine et de ses canaux, la première vit dans La Maison Albar Imperator (Quai de la Fontaine. Tél : 04 66 21 90 30.) où deux macarons récompensent «Duende», gagnés par Nicolas Fontaine, compagnon de route de Pierre Gagnaire, qui conseille ce palace dont la table a ouvert en 2019. Un premier de cordée sûr et créatif.
Rue Fresque, le Margaret Hôtel Chouleur (6 rue Fresque. Tel. 04 48 27 08 01.) trouve le ton juste entre histoire et modernité. Sobriété du luxe, charme discret, cour intérieure qui oriente vers Rouge, la table gastronomique, ou conduit au Bistrot Gigi pour la version plus accessible.
En mars dernier un macaron Michelin y a récompensé Georgiana Viou, 45 ans, béninoise née à Cotonou. Passée par MasterChef, reconnue « Grand de demain » 2022 par Gault&Millau, alors que la sélection mondiale La Liste vient de lui remettre le Prix «Talent de l’année», cette autodidacte, marseillaise de cœur, mérite sa médiatisation et n’a pas fini son ascension.
Fn novembre, dans le double décor de Rouge, salle et comptoir, j’ai aimé sa cuisine fine et précise, plutôt inattendue dans cet hôtel particulier classé monument historique qu’elle anime de sa forte personnalité. Délicatesse végétale, épices qui marquent leur territoire sans heurter, du bouillon à l’oeuf justement accordé au chou-fleur et à l’advieh, mélange d’épices persan, tendre et floral… Nîmes n’est pas Marseille mais Marseille l’a inspirée dans sa quête culinaire et Georgiana rappelle combien la cité phocéenne a marqué son parcours (1), ville de coeur où elle a tenu bonnes tables et lieux médiatiques (L’Atelier de Georgiana, Chez Georgiana ; La Piscine, de Florent Manaudou) et s’est forgé un talent reconnu jusqu’à Paris.
On comprend mieux alors sa bouillabaisse revue à sa façon, une «Bouille Rouge” à mi-chemin entre Marseille et Cotonou », interprétation manquant de chaleur et d’accent et seul plat qui m’a laissé perplexe. Bien mieux, extrait du second menu, l’accord de la blette et du maquereau, pictural, nuancé, sudiste, était épatant de caractère, avant de retrouver la douceur d’un saint-étienne au pesto de noix caramélisée, enfin un jeu de textures autour de la châtaigne et des premières clémentines, réussi par François Josse, chef pâtissier, champion de France du Dessert 2018.
La cuisine de Georgiana apporte ainsi à Rouge une chaleur et une liberté singulières qu’il faudra juger sur la durée. Éclats méditerranéens, souvenirs de son enfance béninoise, franchise du terroir gardois, condiments et parfums, piments subtils, mafé, sauce d’arachide tout en nuances, “moutarde africaine”, rougail revisité à base de tomate longtemps confite, cuissons, fermentations, marinades, fumaisons… cette cuisine est celle d’un talent libre et effervescent, incontestablement à découvrir.
- Lire Ma cuisine de Marseille (Hervé Chopin Éditions), et Le goût de Cotonou. Ma cuisine du Bénin (Ducasse Édition).
- Rouge, au Margaret – Hôtel Chouleur, 6 rue Fresque. Tel. 04 48 27 08 01.
- rouge@margaret-hotelchouleur.com
Une bistronomie séduisante
Quoi d’autres à Nîmes, disons plus accessible ? Une bistronomie séduisante, des adresses créatives, une jeunesse d’esprit, du mouvement. Voici quelques adresses-repères.
Textures, resto-épicerie-brocante aux convictions bio et aux sages additions (6 rue Racine, tel. 04 66 23 73 46). Menna, décor lumineux et gastronomie méditerranéenne conduite «en famille», salle et cuisine – Pascal, Clémence et Jonathan – (7 rue de Bernis. Tel. 04 66 21 04 45).La Table du 2, 2 bis rue de la République. Tél. 04.48.27.22.22. Au 2e étage du Musée de la Romanité, brasserie contemporaine avec vue sur les arènes, conseillée par Franck Putelat, l’excellent chef étoilé de Carcassonne.
Enfin, La Pie qui Couette, comptoir gastronomique aux cœur des Halles centrales (tel. 06 66 23 59 04 et lapiequicouette@gmail.com) où depuis neuf ans, Emmanuel Leblay, récompensé par un Bib Gourmand, cuisine les bons produits du marché. Oeuf mayo, burger de bœuf de Salers au comté affiné 12 mois, frites fraiches de Camargue, brandade de morue aux citrons confits émulsionnée à l’huile d’olive, spécialité nîmoise, savoureuses viandes maturées, sélection de quilles régionales, convivialité, ferveur bio… Voilà une affaire qui tourne fort et cuisine juste. Une adresse simple et conviviale, précieuse pour une première approche du Nîmes gourmand.
Enfin une adresse gourmande à retenir, la Boulangerie-Pâtisserie Villaret, 13 Rue de la Madeleine. Tél : 04 66 67 41 79 et maison-villaret@orange.fr Aujourd’hui tenue par la famille Brayde, cette boulangerie-pâtisserie historique (1775) porte toujours le nom de la famille créatrice. Délicieux décor à l’ancienne, salon de thé. Incontournable biscuit aux amandes parfumé au citron et fleur d’oranger (le «Croquant Villaret»), spécialités comme fougassette, Caladons, minerves au glaçage à l’amande… Également aux Halles de Nîmes (Tel: 04 66 05 29 97).