Découvrir une adresse de charme, mieux encore un lieu romanesque appelant au voyage, sans jouer les midinettes qu’un rien émerveille, reconnaissons que la Côte d’Azur a quelques munitions dans ce domaine. A Boulouris, par exemple, quartier de Saint-Raphaël où La Villa Mauresque est comme un coin «secret» fin XIXe (1881). Architecture néo-mauresque, parc de cinq hectares, palmiers en premiers rôles, deux bâtiments, deux piscines, un restaurant d’été (“L’Olivier“) et la Méditerranée sur grand écran… passée l’entrée fleurie, on change d’époque et d’atmosphère.
Dans ce décor, quelle gastronomie inviter ? D’abord est-elle indispensable quand certains prônent son effacement, même dans les plus beaux décors. Ici, on estime que se priver d’art culinaire serait une faute de goût. Excellente nouvelle. Au cours des années précédentes, des chefs se sont succédés pour tenter l’acte parfait entre cuisine et décor, sans toujours y réussir. Cette année, une autre ambition est en vue. Le groupe propriétaire, Le Boutique Hotels Collection, a confié la création de la carte du restaurant Le Bougainvillier à un duo de chefs. Le limousin David Boyer, Meilleur Ouvrier de France 2023, passé notamment à La Mère Germaine à Villefranche-sur-Mer, chez Anne-Sophie Pic à Valence, chez Taillevent et au Château de la Cazine, dans la campagne creusoise, apporte ses conseils comme il le fait au Grand Large, sur l’île d’Oléron, autre adresse du groupe. Nathan Helo est «l’homme du sud» qui manquait peut-être à cette maison. Natif de Hyères, il apporte, à demeure, une belle expérience, à ses débuts chez Emmanuel Ruz (Lou Fassum à Grasse) puis auprès de la famille Rostang à Paris, du restaurant de la mer Dessirier à L’Épi Dupin, devenu Dupin, où il privilégiait cuisine du végétal, respect de la saisonnalité, sourcing et pêche raisonnée.
En attendant l’été, j’ai fait au Bougainvillier un dîner plus que prometteur illustrant cette navigation nouvelle conduite par Paul Tranquard, directeur de la restauration. De la douceur avant toute chose, dès les mises en bouche et entrées, avec les petits pois en texture, sauge, chartreuse et note de miel, l’artichaut poivrade confit à la Reine des Prés, condiment à l’ail noir et une savoureuse asperge verte de Provence, citron noir et livèche.
En trois menus – Découverte, Exploration, Grand Voyage – une gastronomie bien pensée s’installe, amie d’un environnement invitant au bien-être, non au luxe. Le saint-pierre est proposé dans l’esprit d’une bouillabaisse, billes multicolores de légumes craquants, pommes nouvelles, carottes et kumquat. L’agneau des Alpilles, séduit et gourmande, en fine côtelette parfumée au thym, déclinaison de betteraves, baie d’églantier et jus d’agneau corsé à l’anchois. Enfin, douce encore et malicieuse, la fraise en quintessence, s’exprime en boisson pétillante, sorbet et île flottante.
L’assiette, blanche et grand format, apporte un supplément d’élégance qui n’est pas toujours nécessaire, tant la construction des saveurs et la légèreté d’ensemble suffisent. On a bien compris que cette cuisine, tout dans la nuance, saucière à bon escient et attentive aux produits locaux (notamment les huîtres Giol à Tamaris ou le retour de pêche de Julien Loire au port d’Agay), n’est pas là pour faire de la figuration.
Dans ce restaurant au nom floral et voyageur, service plein d’attention, salle en terrasse vitrée et protectrice, dominant le parc, Nathan Helo est dans son élément : le sud, mieux encore le littoral varois. On aime ce retour au pays, son enthousiasme évident et sa compréhension du lieu. Enfin, une ouverture du Bougainvillier à l’année et non plus saisonnière est en bonne voie. Une rallonge du temps précieuse pour faire découvrir à une plus large clientèle, en particulier locale, cette gastronomie sensible autant que le charme incontestable de la Villa Mauresque.
Le Bougainvillier (Villa Mauresque), 1792 route de la Corniche, Saint-Raphaël. Tél. 04 94 83 02 42. Menus 65 € (en semaine), 95, 145 et 155 € (au dîner). Menu végétal 65 €. Chambres : 200-1500 €. Fermé lundi, mardi. Site:villa-mauresque.com