Connaissez-vous Théoule ? Bien sûr, quelle question ! Les ocres de l’Esterel, le presque far-west du pays cannois, les villas perchées face à la Méditerranée… et ce château venu du fond de l’histoire. Une savonnerie alimentée par les oliveraies de la région au XVIIe siècle, qu’un lord écossais transforma en demeure à tourelles et remparts crénelés en 1910. Puis l’effacement et l’oubli, jusqu’à la métamorphose engagée par le groupe BMF et le groupe Millésime qui ont créé un hôtel insolite et séduisant dirigé par Fabien Delaffon, ex de La Bastide de Saint-Tropez et du Château de Valmer. Ouvert au printemps dernier après trois ans de travaux, il a déjà ses aficionados, venus souvent du bout du monde goûter son charme Riviera, son intimisme et sa modernité face à la baie de Cannes.
Dans ce lieu protégé par de hauts murs côté ville, on aurait pu rencontrer une cuisine à minima, ce qui aurait sa logique. Le Château de Théoule a parié au contraire sur le plaisir et la créativité d’une gastronomie haut de gamme. Celà change tout. La fin de saison approche mais il est encore temps de découvrir la cuisine de Francesco Fezza, assurément l’une des (rares) révélations de l’année sur la Côte.
A Paris, où il arrive en 2016, il a fait parler de lui dans des adresses italiennes (Patio Opéra, Cucina di Luca) puis au Meurice supervisé par Alain Ducasse, où il apprend la grammaire et la discipline ducassienne auprès du chef Jocelyn Herland, enfin à Pages et sa cuisine nippone étoilée. Un séjour au Japon en fait un inconditionnel de son raffinement et de sa culture et à son retour, sa première place de chef à La Traboule (Paris 8e) éveille l’attention de Gault & Millau (1 toque) et du guide Michelin.
Parler d’une manière technicienne, quasi horlogère est tentant mais détournerait une clientèle en quête de simplicité et de saveurs immédiates. Qu’on se rassure, chaque plat, même le plus audacieux de ce trentenaire napolitain, est construit et délicat et témoigne d’une maîtrise – jus, bouillons, cuissons – sans laquelle il n’existe pas d’émotion. L’escargot de Provence apparaît comme un petit gâteau de poutargue, amandes fraîches, ortie et salicorne. Délicieux et gourmand. Le tourteau breton, caviar osciètre (Maison Kaviari), livèche, consommé de tourteau est d’une folle douceur et dans un rôle plus ardent, les gambas carabineros en écailles de corail, rhubarbe, baie de goji, vinaigrette bisque au tosazu. Les entrées (« notes de tête ») à peine abordées, la passion-Japon de Francesco Fezza apporte des nuances décisives. Mais il n’y a rien de « japonisant » au sens caricatural dans cette gastronomie sans frontières.
Côté mer, le rouget en kadaïf, lard de Colonnata et scamorza fumée, légumes et shiokoji, marinade essentielle, en témoigne, tout en subtilité. La sériole maturée, fraises blanches, celtuce, haricots verts,
sauce tarama, yuzukosho (pâte de piment) d’asperges, s’accorde parfaitement avec l’Anjou « Varenne de Chanzé » 2022 de Pierre Ménard, proposé par Yann Roche, le chef sommelier.
Les desserts ont été confiés à Simona Casato, jeune cheffe pâtissière, napolitaine elle aussi, formée à l’Académie de Haute Pâtisserie de Milan et auprès de Matteo Cutolo, champion du monde de pâtisserie 2017. Passée notamment au Monzù* à Capri, au Josè Restaurant* à Naples et cheffe au Tosca à Paris à 21 ans, elle a ouvert une pâtisserie à Naples en 2023. Voila un talent d’aujourd’hui, tout en subtilité, habileté des accords, incursions du végétal. Ainsi avec le « betterave, griotte et chocolat noir » ou le «petit potager» (la mini cagette de chocolat blanc se mange !), alliant carotte, caramel, gingembre, thé matcha et agrume calamansi.
Il vous reste donc un mois pour apprécier le charme du Château de Théoule dans sa première saison méditerranéenne, l’atmosphère chaleureuse du Mareluna, son service adorable et concerné, la gastronomie d’un chef à l’évidence en route vers une première étoile. Mon coup de cœur est sans réserve pour sa gastronomie légère, ses notes végétales, son sens du détail, ses accords sans frontières. Retenez bien ce nom : Francesco Fezza.
Mareluna, Château de Théoule, 55 avenue de Lérins, Théoule-sur-Mer. Tel. : 04 22 46 04 45.
Menus 115 € (dégustation végétarien) et 155 € (5 services). Carte 120/150 €. Ouv. le soir seul. de mardi à samedi. Fermé dimanche, lundi. Au déjeuner, restaurant La Plage blanche, ouvert tlj. (cuisine savoureuse et légère du chef exécutif Nicolas Boucher).
Hôtel : 44 chambres et suites, plage privée, bars, spa, piscine, rooftop pour l’événementiel.
Fermeture annuelle le 27 octobre, dernier service au Mareluna samedi 26 octobre. Réouverture fin mars.