Jadis, c’était L’ Hôtel de Saint-Pré , ouvert en 1952 par Sylvia Fournier, créatrice du Mas du Langoustier sur l’île de Porquerolles. La fin des années quatre-vingt dix marqua un changement radical quand l’hostellerie, adossée au monastère du XII siècle, face au parc de l’Abbaye Royale bénédictine, joyau de l’art roman, fut confiée par le Conseil général du Var à Alain Ducasse. Aujourd’hui, la grande histoire demeure et la gastronomie apportée par le chef multi étoilé a transformé l’Hostellerie en un haut lieu d’hospitalité en Provence.
Samedi dernier, la fête des vingt-cinq ans proposée aux partenaires fidèles, producteurs, fournisseurs, restaurateurs, artisans, vignerons… témoignait de l’attachement des gens de métiers à cette belle adresse au cœur du Var.
En ce jour d’anniversaire, autour des buffets installés dans le parc, on vient « voir le chef », l’approcher, demander une photo, évoquer un souvenir, parler produit, cuisine, projets… Il y a de la curiosité et de l’émotion, c’est normal, c’est humain. Ducasse, puis Maximin, arrivé plus tard dans la journée, sont des maîtres de saveurs dont il y a toujours beaucoup à apprendre.
Mais ce jour des vingt-cinq ans n’était ni une parenthèse d’autosatisfaction, ni une mondanité au grand air, encore moins la fin de l’histoire. Celle de la maison dirigée par Emmanuel Beuvelet, avec Nicolas Pierantoni, l’enfant du pays, à la tête des cuisines, est l’expression d’un art de vivre en Provence comme l’est, à Moustiers-Sainte-Marie, La Bastide de Moustiers, «maison de coeur » d’Alain Ducasse.
Les invités à cet anniversaire venaient aussi prendre des nouvelles de la grande maison varoise. Étoilée ou non, elle ajuste sa gastronomie à la demande actuelle : besoin d’ancrage local, socle du terroir, clarté du produit, le goût avant le style… Rien de surprenant. L’évolution était déjà en route et tout est dans la nuance mais quand «le chef» fixe la feuille de route, on comprend sans tarder. L’auberge élégante qui vient de fêter son jeune âge est ainsi plus que jamais à (re-) découvrir. Pour le charme et la sérénité du lieu, la cohésion des équipes, le rapport prix-plaisir et un bon sens culinaire proclamé « art du simple » en 1999, appliqué alors par Benoit Witz puis dès 2018 par Nicolas Pierantoni. Deux chefs en vingt-cinq ans, difficile de crier à l’instabilité.
Dans un contexte compliqué qui demande à la restauration toujours plus de mouvement et d’écoute, L’Hostellerie de l’Abbaye de La Celle continue d’écrire son histoire au long cours. Non comme une institution et dans le repli sur soi mais avec l’adaptabilité et la vision des grandes adresses. Si c’est bien cela qui est en jeu, alors, bienvenue aux vingt-cinq prochaines années.