A l’Hôtel du Castellet, Christophe Bacquié vit sa première année à 3 étoiles. Un parcours sans faute et un cap de cuisine inchangé : talent, maîtrise, produit, clarté… Retour sur la gastronomie heureuse de ce domaine de grande Provence, voisin du fameux circuit de F1.
Avoir trois étoiles… mais après ? Les clients bienveillants d’hier “adorent”, ils sont la clientèle de fond, fidèle à l’année, mais devenus plus exigeants ils ne feront pas de quartier. Les nouveaux viennent visiter le petit Jésus dans la crèche, certains rois mages courent les grandes tables du monde, vous encensent avec écho planétaire garanti et peuvent aussi vous casser les reins à la moindre fausse note. Trois étoiles ou la proximité du paradis et l’obligation de l’excellence. Mais qui s’en plaindrait ?
Certainement pas Christophe Bacquié qui savoure des mois de félicité, la consécration Michelin, le titre de “Chef de l’année”, la reconnaissance des siens et la multiplication des visiteurs. Il maintient le cap en pragmatique de talent, non en président jupitérien. Il maîtrise.
Je l’ai retrouvé début octobre avec sa garde rapprochée – Fabien Ferré, son second, Loïc Colliau, chef pâtissier, Romain Ambrosi, chef sommelier… – confiant dans une cuisine qu’il a toujours voulue lisible, aiguisée, grand sud, construite pas après pas depuis bientôt dix ans avec la tendre complicité d’Alexandra, son épouse et directrice générale de l’Hôtel du Castellet.
J’ai laissé le menu “Au fil des années”, déjà visité, avec “aïoli moderne”, “gambon écarlate” (alias les crevettes carabineros, juste snackées) ou pigeonneau Mieral cuit en pâte à sel épicée, préférant un choix “au fil des saisons”, léger comme un début d’automne.
Le thon rouge de Méditerranée grillé, vinaigrette tomatée, y rappelle qu’on n’est pas dans un temple de la modernité radicale mais dans un Relais & Châteaux à la gastronomie responsable.
J’ai retrouvé cette ligne claire avec l’exceptionnelle langoustine de casier au barbecue (présenté à la table) et sabayon coraillé, le sparidé – un pagre à la croisée des saveurs, orange, plancton marin et huître grillée – le filet de saint-pierre en jus d’oignon, huile essentielle de Tagète au fruité-acidulé, le veau du Limousin cuit au sautoir, cèleri et saveur d’Arabica, pommes soufflées aériennes, enfin la tartelette à la figue de Solliès ou le pamplemousse à la fraîcheur intense, relevé à la baie des Batak (condiment de Sumatra)… Cette cuisine alternant subtilité et saveurs en cocotte est bien la soeur jumelle de celle qui a convaincu Michelin. Vous allez l’adorer.
A cette altitude, on imagine les prouesses d’une gastronomie virtuose, bardée d’effets spéciaux. Celle de Christophe Bacquié séduit par son économie d’effets et une pureté de saveurs. L’atmosphère de la salle lui répond en écho. Nulle table dressée avant les dîners, simplement une vague en pâte de verre posée sur chacune, la grande fresque bleue comme une signature et un service attentionné, à son aise dans ce décor à l’épure – trop dépouillé pour certains – qu’éclaire la cave vitrée des vins et fromages.
L’hôtel est un autre univers et cultive son chic provençal en pleine nature, avec bar contemporain redesigné cette année, salle dédiée aux petits déjeuners, parmi les plus réussis de la collection Relais & Châteaux, spa au luxe zen et table “bistrot” avec vue panoramique (Le San Felice, 04 94 98 29 58, ouvert tous les jours), relayant la haute cuisine méditerranéenne du restaurant gastronomique.
Le Castellet 2018 ou l’année de toutes les étoiles ouvre sur une pression différente, d’autres enjeux et la perception, bien sûr, que rien n’est définitivement acquis. Mais parvenu dans la cour des grands, Christophe Bacquié a conservé les vertus qui l’ont conduit au sommet : talent, ténacité, humble assurance et envie intacte. Sa force tranquille.
Infos pratiques
- Adresse : 3001 route des Hauts-du-Camp, 83330 Le Beausset
- Tél : 04 94 98 37 77
- Site : www.hotelducastellet.com
- Menu : Menus 135, 175, 185, 195, 210 et 240 € (8 plats). Alliances des vins 115 à 220 par pers.