Aux Baux de Provence, la gastronomie est bien gardée et il y a du sérieux dans ce décor de roches et de soleil. Jean-André Charial et son chef Glenn Viel, à L’Oustau de Baumanière, catégorie référence et tradition, La Cabro d’Or, autre Maison Baumanière pour l’approche terroir et les déjeuners table d’hôtes de Michel Hulin, Matthieu Dupuis-Baumal, en pleine ascension au Domaine de Manville et son golf-paysage… Au Hameau des Baux, repris en 2014 par Eric-Jean Floureusse, antiquaire, éditeur et créateur d’intérieurs (Esprit XXe, à Toulouse), il y a une histoire nouvelle, de l’esprit et du panache. A l’écart sur une colline du Paradou, maisons, jardin et restanques, oliveraie… on est bien en Provence mais à l’intérieur, l’atmosphère est à l’art contemporain, pièces d’artisans et meubles vintage, graphisme, livres (Actes Sud), design, bois, métal, étoffes, chambres à l’épure, créativité et mouvement…
Depuis le printemps, Stéphan Paroche dirige les cuisines du Hameau et semble fait pour ce lieu en évolution. J’aime un chef agitateur d’idées à condition qu’il ait les idées claires, l’envie intacte et une jeunesse d’esprit quel que soit le chemin parcouru. Paroche première manière s’exprimait il y a peu à La Magnanerie, sa maison d’Aubignosc entre Château-Arnoux et Sisteron où sa créativité d’autodidacte séduisait, pas toujours maîtrisée, parfois mal comprise. Mais il y avait déjà l’essentiel: choix des producteurs locaux, ferveur bio et quête de modernité.
Au Paradou, sa cuisine est dans la même ligne, comme libérée. Il manquait sans doute quelques réglages, ce soir de grand mistral : l’attente entre les entrées et le premier plat laissait un peu engourdi, le pigeon arrivait trop froid, la carte des vins, vantée avec passion par une charmante québécoise, avait encore beaucoup à apprendre. Mais on avait l’esquisse d’une gastronomie cinglante et légère, cherchant tous les angles dans les cuissons et l’équilibre entre douceur et notes corsées, prête à bien d’autres ouvertures et prises de risques.
L’amuse-bouche de thon était déjà une entrée piquante et déterminée. Craquante, l’idée d’un “poireau vinaigrette”, poireaux cuit doucement, crème légère à la truffe, copeaux de foie gras de canard cuit au sel, truffe fraîche, vinaigrette d’huile des Baux truffée. Mieux encore, un double approche de la langoustine, en carpaccio, huile des Baux, tuile au sarrasin, rouille légère, et la queue juste saisie, brunoise de céleri rave et granny smith, bouillon corsé des têtes aux feuilles de citron kafir. S’il n’avait pas succombé au chaud et froid, le pigeon, poitrine exactement rosée, tartine des foies à l’alcool de poire, salade de navet et poire, beignet de la cuisse confite, jus de carcasses au genièvre, était bien le sujet central. Jusqu’au dessert terrien et automnal – champignons-café-noisettes-panais – j’ai aimé cette cuisine réfléchie bousculant les habitudes de terroir. On m’avait alerté sur le “pas assez dans l’assiette”, souvent assorti de l’infâmant “nouvelle cuisine” qui renait de ses cendres chaque fois qu’un estomac sans mémoire crie famine, mais je n’ai rien goûté de tel !
En 2018, Le Hameau va retoucher son décor et la distribution des salles. Echange de lieux entre le salon et le restaurant gastronomique, aujourd’hui en tenue bistrot chic-campagnard, nouvelle terrasse, boutique et librairie au coeur du lobby. Plus de style et de cohérence pour cette maison attachante, plus d’accompagnement pour Stéphane Paroche et Justine Viano qui le seconde joliment en cuisine.
Et Michelin dans tout çà? Il s’est aventuré au Paradou, a fait le discret, a promis tout et rien, sinon l’art de la patience. Mon avis? S’il maintient ce cap – et pourquoi en changerait-il – ce cuisinier de talent qui a troqué une Provence de résistance pour la vive lumière des Baux devrait bientôt être dans les petits papiers du guide.
Infos pratiques
- Adresse : Concept-Hotel Hameau des Baux,chemin de Bourgeac,13520 Paradou
- Tél : 04 90 54 10 30
- Site : www.hameaudesbaux.com
- Menu : Menus 49, 69 et 89 €
- Chambre : 220 à 740 €
- Fermeture : Ferm. début janvier à mi-mars