Il y a tellement de créations et d’étoiles dans la galaxie Ducasse qu’on en oublierait cette table originelle née en Principauté en 1987 et premier restaurant de palace à obtenir trois étoiles en 1990. D’un siècle l’autre, on est passé d’une «cuisine pauvre» magnifiée en cuisine des Rivieras, au travail sur le végétal et à la «Naturalité», dernier concept d’une gastronomie toujours en alerte.
A Paris, ses retraits du Plaza Athénée et de la Tour Eiffel ont été aussitôt compensés par bien d’autres quêtes, notamment dans l’univers du chocolat et du café ou avec l’ouverture d’ADMO, restaurant éphémère au Musée du Quai Branly. Alain Ducasse ne s’arrête jamais, il court le monde, curieux de tout, sur tous les fronts du métier, puise mille forces, partenariats et projets, ouvre demeures, restaurants, brasseries, manufactures, rencontre et recrute, forme à l’excellence des générations dans son Paris Campus de Meudon…
A Monaco, dans un Hôtel de Paris métamorphosé, on retrouve une table sereine qui est le socle et l’ADN de la transmission ducassienne. Dominique Lory, chef du Louis XV depuis dix ans, conduit avec talent un répertoire strict qui a su se renouveler sans remaquiller les plats de jadis, en privilégiant le fond: la valeur terroir et la maîtrise du temps, non les fulgurances passagères ou l’obligation de modernité.
Les cavatelli de pomme de terre, levure torréfiée et truffe blanche d’Alba, le homard bleu sur la braise et châtaignes du Piémont, le pintadon des Landes au feu de bois, chou plume et grenailles, les saint-Jacques de Dieppe, artichauts épineux, cresson et truffe blanche, le dos de chevreuil au genièvre, coing et betterave vinaigrée, comme les desserts de Sandro Micheli, mangue et fruit de la passion, fromage blanc mousseux, sorbet coriandre ou le soufflé chaud à la poire passe-crassane, glace fève tonka, sont autant de signes d’une gastronomie calme et lisible, concentrée sur l’essentiel, le produit, la rigueur d’exécution et l’émotion.
Claire Sonnet, auparavant au Crillon, apporte une belle délicatesse à une direction de salle exemplaire et Noël Bajor, chef sommelier aux vingt-cinq ans de maison, son savoir et sa malice dans le décor d’époque souligné par un remarquable design contemporain signé Patrick Jouin et Sanjit Manku. Alors que la gastronomie est devenue une explosion de sens aux tarifs stratosphériques et traverse de sacrées turbulences, il faut plus que du savoir-faire à la cuisine d’un palace pour durer. A l’Hôtel de Paris, le Louis XV réussit l’exercice d’une absolue maîtrise depuis près de trente-cinq ans.
Le Louis XV – Alain Ducasse à l’Hôtel de Paris, place du Casino. Tél .+ 377 98 06 88 64. Carte à partir de 200 €, menu 180 € à déj. 230 et 350 €. Ouv. à déj. sam. et dim. et à dîner de jeudi à lundi. Fermé du 6 février au 2 mars 2022.