Le Pays basque a de la chance, il a désormais «son» livre. J’exagère à peine, ce pays n’est pas en manque d’admirations et d’hommages et on aurait pu en rester là mais avoir «son» Ballarin change tout.
Jacques Ballarin, critique gastronomique en Sud-Ouest, journaliste gourmand et bienveillant qui sait aller au fond des choses. Dès l’entame, on comprend sa démarche : traiter l’Euzkadi sur le fond, pour ne pas dire le fondamental. A savoir la cuisine, le lieu, l’humain. Sources, produits, acteurs, styles, savoir-faire, pratiques, paysages… Le focus est sur l’âme basque, montagne et océan, mais le propos est universel.
Pour avoir partagé avec cet ami quelques moments chaleureux lors de la dernière Fête du Piment d’Espelette et savouré avec lui la piperade, la morue à la bizcaïenne et l’axoa de veau de l’hôtel Euzkadi d’Auxtin Darraïdou, je peux témoigner de son attachement à la vérité de terroir et à la sincérité culinaire.
Culture, saveurs, patrimoine
Il faut se méfier des mots superlatifs – passion, peuple, partage, racines... – qui grimpent haut dans les cols mais flanchent souvent en vue de l’arrivée. Mais les voici dans leur élément, légitimes pour qualifier une culture vivante et forte. Jacques Ballarin bannit le superficiel, sa connaissance est ancrée, elle coule de source. Ces “détails” n’ont pas échappé à son éditeur, Alain Ducasse, préfacier, avec Martìn Berasategui, d’un livre qui magnifie le produit. Ducasse, bien sûr, enfant de Chalosse qui rend ainsi au Pays basque ce qu’il lui a donné de plus cher. L’émotion.
Chipiron et anchois de Fontarabie, artichaut de Tudela, jambon blanc d’Hasparren, merlu et thon rouge de Saint-Jean de Luz, vins d’Irouleguy, châtaigne de Bidarray, Txacoli de Getaria, fromages d’estive… Cuisine de vérité et «pâte humaine» sont à chaque page, traduites par des artisans aussi taiseux que piliers de rugby ou forts en verbe et techniciens hors pair comme Eric Ospital, auteur d’un jambon blanc unique, l’Ibaïama, qui est à la viande de cochon ce que le stradivarius est à l’art du violon.
Un bien commun
Qu’on soit versant français ou versant espagnol, j’aime l’absence de frontière, le lien, le cheminement, les points de passage, la fraternité… Les recettes crépitent dès les premières pages avec l’agneau de lait des Pyrénées de Pascal Arcé, indissociables de ce récit et non reléguées dans un cahier de figurants. Christian Etchebest, l’inventeur des «Cantines», propose ainsi vingt plats qui mettent l’eau à la bouche, traditionnel salmis de palombe, escargots poêlés, chorizo et boudin, haricots de Tolosa, vinaigrette de piment et oeuf cassé… Bien d’autres sont à l’ouvrage, acteurs d’une cuisine du patrimoine qui est leur bien commun.
Livre de culture et d’empathie, sérieux, savoureux, amical, des premiers pintxos jusqu’au précieux carnet d’adresses en fin d’ouvrage, c’est l’Euzkadi de Ballarin. A offrir au temps de Noël et sans attendre l’an neuf.
* «Pays Basque, un terroir, des hommes», de Jacques Ballarin, préfaces d’Alain Ducasse et Martin Berasategui (AD Ducasse Edition, 320 pages, 30 €).
Infos pratiques
- Editeur / prix : AD Ducasse Edition, 320 pages, 30 €