C’était en 2002 sur une colline proche des Arcs-sur-Argens. Sébastien Sanjou achète alors Le Relais des Moines, ancienne bergerie de caractère et restauration en fin de course. Le béarnais, 19 ans, est novice en gastronomie mais a fait quelques stages motivants (La Palme d’Or à Cannes, Maximin..). Il a du coeur et une carrure, sa cuisine est à son image, de belle santé et elle est accueillie… avec estime. Ce Sanjou n’est pas du sérail varois, attendons !…
Michelin fera de même et n’accordera une étoile que dix ans plus tard. S’il est venu du pays des palombes, ce costaud au sourire d’enfant, désormais reconnu par ses pairs, a, depuis, façonné une maison de vraie gastronomie, il a su marier les terroirs, s’ouvrir, affiner ses plats de l’entrée au dessert, concilier l’émotion et la méthode.
Aujourd’hui, quelle impression cela fait-il de retrouver une table en route vers la deuxième étoile ? J’aurais pu poser la question aux clients qui déjeunaient chez lui un jour de décembre et il y aurait eu sans doute consensus. Salle pleine et bienveillante, bon feeling d’avant les fêtes, Géraldine accueillante et radieuse, service attentionné, belle cave – Paul Luquain, sommelier venu du Clair de la Plume (Grignan) succédait à Hacob Yessayan -… on ressentait une confiance nouvelle.
Que dira Michelin le 5 février ? Banco pour un deuxième macaron ou patience “on vous suit” ? Aujourd’hui, pour moi, Sébastien Sanjou “est à deux”. On peut discuter quelques virgules, il manque parfois ce dernier coup de pédale qui fait franchir le col mais il est en vue. Brève revue de détail… La collection de betteraves bleda-raba, gingembre, noisette et lard de Colonnata, reste le plat signature aux multiples déclinaisons mais n’at-il pas fait son temps ? J’ai tiqué sur la sauce à la grenobloise (l’incompréhension des câpres ?) avec d’exquises Saint-Jacques juste saisies, trouvé hors sujet un sorbet pistache sur le soufflé aux griottes mais cette cuisine posée et gourmande était de taille à jouer dans la catégorie supérieure.
Le foie gras de canard de Robert Dupérrier en deux versions – en carpaccio miel-épices et rôti, jeunes navets sauce bigarade – les coquillages crus et cuits, caviar Kaviari et granité iodé, eau des coques, le bar sauvage à la chair nacrée, fumé de topinambours et caviar d’Aquitaine, le chevreuil de chasse, jus déglacé à la Chartreuse, la palombe, toujours attendue, en cocotte avec cèpes et oignons doux, enfin la poire, texturée, en gelée d’eau de vie William et le feuille à feuille chocolat-café, ganache fève tonka de l’excellent Xavier Yvon… composaient une séduisante gastronomie en hiver.
Sagement rénové, élégance chaleureuse et rustique, Le Relais des Moines semble ainsi prêt pour l’étape suivante, le projet d’hôtel tarde à aboutir mais est toujours dans les tuyaux et ce qui est d’actualité c’est la qualité discrète et l’identité gastronomique forgées pas à pas dans la maison des Sanjou. Comme ce moment, souvent difficile à repérer, et qui compte dans la vie d’un chef, où le plaisir, le risque et l’envie se croisent et apportent le supplément d’étoile.
Infos pratiques
- Adresse : Le Relais des Moines, route de Sainte-Roseline 83460 Les Arcs-sur-Argens
- Tél : 04 94 47 40 93
- Site : www.lerelaisdesmoines.com
- Menu : Menus 48 € à déj. en sem. 75, 95, 98 et 130 €
- Carte : 100/160 €
- Fermeture : Ferm. lundi et mardi (lun. seul. en juillet-août)
1 comment
Excellent article sur Le Relais des Moines. J’ai déjeuné à deux reprises en 2017 dans ce beau restaurant. Je partage sans réserves vos commentaires, surtout sur la cuisine.