On devrait laisser les restaurateurs choisir en paix le lieu où ils souhaitent s’installer. En ville ou à la campagne, au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest, dans quel quartier, dans quelle rue…. Mais on est incorrigible et on se mêle de leurs plans sur la comète avant de juger le décor et l’assiette. La preuve avec cette chronique… Je n’ai rien ainsi contre Brignoles «capitale de la Provence verte» au cœur médiéval, aujourd’hui en pleine rénovation, mais j’ai quelque mal à y conseiller une table valant, comme on dit, le détour. Pour la gastronomie haut de gamme, l’affaire est réglée avec L’Hostellerie de l’Abbaye dans le village voisin de La Celle et on ne demande pas autant de prouesses au centre-ville…
J’en étais à ma frustration brignolaise lorsque j’ai poussé la porte du Jardin, début décembre à l’heure du déjeuner. Quelques lanceurs d’alerte m’avaient convaincu de visiter cette adresse ouverte en 2021 par Julien et Nathalie Tosello. Julien est natif de Vins-sur-Caramy, à dix kilomètres d’ici. Passé notamment au Spoon d’Alain Ducasse et formé auprès de l’expérimenté Georges Pélissier à La Voile d’Or (Saint-Jean Cap Ferrat), qui lui a peut-être transmis l’art de trousser un poulet Miéral à la broche ou un carré d’agneau clouté à la truffe d’été, il a ensuite ouvert un bistrot à Bordeaux. Retour de ce bref voyage en Gironde, il aurait pu gagner le littoral et y être plus en vue mais il a choisi son «pays». Brignoles peut l’en remercier.
Le Jardin de Julien et Nathalie est d’une sobre modernité, entrée vitrée, murs ornés de miroirs, banquettes grand bleu, fauteuils au confort rouge-orangé, au fond un mur de verdure séparant la salle de la cuisine, enfin une calme terrasse pour les jours ensoleillés. Dans ce décor alerte on s’attendrait à une bistronomie vue et revue comme il en court ces temps-ci mais la cuisine échappe heureusement à cet effet de mode.
Pressé d’aubergines et fromage de brebis de Sillans-la-Cascade; pita maison, houmous de pois chiches de Bras (encore un village voisin) – yaourt labneh (fromage frais à base de yaourt) et falafels aux herbes, saltimbocca de veau et fregola sarda au parmesan ou encore un «burger du Jardin» poitrine grillée, sauce barbecue maison, pickles, oignon rouge et salade, dès le déjeuner elle joue plus subtil, chercheuse, méditerranéenne et d’exacte saison. Et comme le rapport prix-plaisir est incontestable dès le plat du jour et le menu, sage comme une image (21 €), la clientèle locale a vite adhéré à ce bon plan de midi et fait salle pleine.
Enfin, pas de lutte des classes. Le Jardin est aussi devenu une adresse du soir avec une carte à la gastronomie plus affirmée, là encore sans addition incongrue. Le carpaccio de noix de saint-jacques, oursin et caviar d’agrumes ; des gambas marinées colorées au rocou (rouge-orangé), tartare d’avocat, mangue et grenade, crème légère au wasabi, la poitrine de porc de l’Aveyron confite et gnocchis au jus gratinés ou encore un chou d’automne aux poires confites et tonka, noix de pécans caramélisées, donnaient, en décembre dernier, un aperçu de la créativité maison.
Ajoutez l’accueil adorable de Nathalie, l’épouse niçoise, et l’allant qu’elle transmet à son jeune service, une carte des vins plutôt classique mais attentive aux bons domaines provençaux, dont Château Miraval ou Château Saint-Baillon parmi les plus proches, et vous avez la pépite brignolaise tant attendue, rayonnante d’envie et pas encore embourgeoisée. Un soir, promis, on reviendra.
18 ter avenue Dreo. Tel. 04 94 77 00 75. Au déjeuner, plat du jour 15€, formule 19 € et menu 21 * (entrée, plat, dessert). Au dîner et le week-end, carte env. 46/58 €. Ouvert à déj. mardi à samedi et à dîner jeudi à samedi. Fermé dimanche et lundi.
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Good post.