L’adresse ne fait pas tout un plat de sa cuisine. Sur sa page officielle on lit «table semi gastronomique», intitulé que certains restaurateurs prennent pour un fait de gloire mais qui n’ouvre guère l’appétit. Je plaisante mais La Table de Kamiya est trop modeste. Si son humilité nippone l’honore il serait temps de gommer ce «semi» réducteur. Car installés depuis janvier 2020 sur le front de mer de Cros-de-Cagnes, Takayuki et Claire Kamiya sont clairement dans le camp de la gastronomie. Encore faut-il savoir laquelle. La leur ne cherche ni l’exploit ni l’exercice de style, aucune recette barrée ou expédition exotique au pays du Mont Fuji mais une simplicité vertueuse, le produit choisi et le geste juste.
Il y a près de quatre ans, ils passaient de l’ombre à la lumière. Du restaurant Hangout, dans une rue minuscule du Vieux Nice, à Kamiya, dont le tronc d’un pin parasol géant est ancré à même la salle tel un sabre de samouraï. Au pied de cet arbre signature je viens de retrouver l’esprit et la méthode qui font recette depuis leurs débuts sur le front de mer du Cros-de-Cagnes.
J’aime cette trinité élémentaire que rappela jusqu’à son dernier souffle un certain Paul Bocuse : le produit, l’assaisonnement, la cuisson. Ceux qui s’affranchissent de cette règle de trois tout en cherchant l’altitude sont vite rappelés à l’ordre. Takayuki n’est pas de ces tireurs de ficelles. Fin septembre j’ai reconnu la sobriété et l’exactitude de ses accords plats-condiments
La finesse d’exécution dès l’entrée de sardines marinées au sumac, ricotta, algues nori, concombre et feuilles de riz frites. Puis un pâté de campagne «franco-français» sans rusticité, foie gras, noix, abricot et légumes à la grecque. Le saumon confit, miso au yuzu, chou chinois, épeautre et estragon, en voyageur d’Asie bien éduqué, et un suprême de pintade joliment escorté d’une purée de courge au curry, noisette et girolles. Que reprocher ? Rien d’essentiel sinon des portions manquant parfois de générosité.
L’instant du dessert revient à Claire, formée à l’école de Joël Robuchon, qui fut un demi-dieu au pays du soleil levant. Transmission réussie. Son baba au rhum, crème à la vanille de Madagascar, est toujours légérissime et les poires pochées, feuillantine, glace au chocolat, espuma verveine sont une délicatesse. Alors pourquoi ne pas prolonger ce moment en dégustant un de ses whiskies japonais que Takayuki se fera un plaisir de vous faire découvrir ? Loin des terres d’Écosse ils comptent parmi les meilleurs du monde.
Accueil et service prévenants, clarté culinaire, harmonie des accords, salle lumineuse aux tables de bois blond ou terrasse sous le pin expliquent l’adhésion des clients dont le cercle s’agrandit au fil des saisons. Ces aficionados pourraient-ils alors écrire leur enhousiasme au guide rouge ? En suggérant par exemple qu’une étoile confiée à cette adresse qui ne cherche pas à briller mais à donner du plaisir ne serait que justice.
La Table de Kamiya, 52 Promenade de la Plage, Cros de Cagnes, face à l’Art Beach. Tél. 04 93 89 71 54.Menus 45 € (trois services), 55 € (quatre services) et 75 € (six services). Fermé dimanche, lundi, et au déjeuner le mardi.