A l’entrée du domaine, face à la falaise ocre des gorges de Pennafort, l’enseigne a changé. La signature d’Anthony Salliège a remplacé celle de Philippe Da Silva, disparu le 24 avril 2021, emporté par le Covid 19. Depuis 2018, le premier était aux commandes en cuisine, le second indiquait le cap en toute confiance.
Pendant vingt-cinq ans, Martine et Philippe Da Silva avaient fait de l’Hostellerie de Pennafort, propriété de Geneviève Garrassin, une destination incontournable. Courtoisie, hospitalité, salle élégante, terrasse et pergola protégée des quatre vents, bouquets de fleur à profusion, chambres ouvrant sur le parc imagé de sculptures… Une grande maison dont Philippe Da Silva résumait l’esprit par une formule devenue culte – «ce n’est que du bonheur !» – affirmation à risque aussitôt prouvée à table, au fil de menus d’une générosité jamais prise en défaut.
Retourner à l’Hostellerie c’est ainsi retrouver une table amie dont on attend beaucoup. Il est normal qu’on s’interroge sur son devenir : a-t-elle changé, mérite-t-elle toujours la confiance de ses clients, ne s’est-elle pas figée, n’a-t-elle pas perdu ses repères ?… Cet automne, j’ai retrouvé au contraire une maison à l’énergie nouvelle, qui vit, avance, nourrit des projets. Le fameux «changement dans la continuité», cette formule bateau, est en de bonnes mains.
En salle comme en cuisine l’équipe a serré les rangs autour de Martine Da Silva. Ne rien oublier d’un passé réussi mais ne pas réécrire l’histoire à l’infini, c’est le défi qui attend L’Hostellerie de Pennafort. Le bourguignon Anthony Salliège y est le «dauphin légitime» après avoir été pendant dix ans second puis chef exécutif de Philippe Da Silva. Une légitimité indiscutable pour ce compagnon de route et bourreau de travail qu’on découvre aujourd’hui en pleine lumière.
Il a conservé quelques plats emblématiques mais il imprime sa marque, veillant à ne pas tout chambouler et allégeant l’assiette par petites touches. Un sage ! J’ai puisé dans son répertoire d’automne des saveurs connues et des accords inédits. Le bœuf Wagyu séché, carotte pourpre et radis daikon, le thon mariné, papaye et sorbet au citron noir d’Iran, les escargots de Callas en coque de navet, jambon ibérique, champignons et crème de roquette bio ; la tartelette de cèpes et noix de Saint-Jacques snackés, mesclun et vinaigrette cazette; le filet de turbot doré, marron, raisin et sauce verjus, le cœur de ris de veau braisé aux cèpes ou encore la douceur vanille, pomme Tatin, croustillant de noix de pécan… Maîtrise, sensibilité, souci du détail, le produit en exergue, une cuisine inspirée qui parle simple, des notes japonisantes mais sans excès d’évasion… bel exercice !
On se demande alors quel coup de blues a frappé le guide Michelin qui a retiré l’étoile à cette Hostellerie. On peut discuter ce retrait et même le juger inélégant, survenu peu de temps après la disparition de Philippe Da Silva. Plus directement sur le métier, soit le guide estimait la cuisine en déclin, soit le chef «nouveau» ne lui semblait pas à la hauteur.
Pour ma part, je n’ai vu nulle trace d’une adresse qui a fait son temps ou alors d’autres tables étoilées, moins solides et protectrices, peuvent trembler. Son «classicisme contemporain» n’est peut-être pas de la dernière mode ou dans la dernière passion du Michelin pour des gastronomies plus fulgurantes, mais elle est accueillante, protectrice, et désormais à la reconquête, elle séduit une clientèle qui s’élargit encore. Que lui souhaiter de mieux ?
Hostellerie Les Gorges de Pennafort, D25, Callas. Tél. 04 94 76 66 51. Menus 68 € (à déj. en sem.) 92, 108, 180 et 430 € (menu prestige pour deux, champagne c.). Carte : 130-185 €. Fermé lundi, mardi.
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Je suis un fidèle client des gorges de pennafort depuis 27 ans , j’ai bien connu Philippe DaSylva et sa charmante épouse qui a eu le courage de remettre en route l’hôtellerie après la disparition tragique de Philippe. Anthony Slliège poursuit depuis plus de 10 ans sa ligne tracée ar Philippe avec brio et amour. Je n’ai comme beaucoup pas compris la réaction du petit livre rouge de retirer l’étoile tant mérité par ces deux grands chefs. Mais aujourd’hui pour Anthony qu’il se rassure ces clients eux ont des milliers d’étoiles dans les yeux et dans le cœur.