A Pennafort l’histoire continue, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Réduire l’enseigne du restaurant est un peu cavalier mais c’est ainsi que ses clients nomment cette adresse créée il y a trente ans par Philippe Da Silva. Pennafort et son duo de chefs. Anthony Salliège, qui fut son second puis son digne successeur après sa disparition au printemps 2021. Julien Lépine, lui aussi à ses côtés entre 2006 et 2014. Aujourd’hui aux commandes ils forment depuis l’an dernier un duo vertueux et incarnent le nouvel élan culinaire de l’Hostellerie.
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Comment maintenir l’esprit, l’envie, le niveau de cette belle maison, changer sans décevoir, ne pas faiblir, préparer son futur… mission délicate. Mon dernier déjeuner, mi décembre, aurait pu avoir un air de déjà vu et instiller le doute mais il m’a plutôt rassuré. «Les Gorges de Pennafort», ces mots ont du sens. Ils nomment le lieu, l’environnement, l’ocre du Colorado varois, la gastronomie minutieuse, la calme hostellerie, l’évasion et la découverte. Il est même question de «nouvelle aventure culinaire inédite, d’éveil des sens, d’approche audacieuse, de voyage gastronomique d’exception»… Diable !
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Encore faut-il le prouver et réussir en salle comme en cuisine ce que promet la communication maison. C’est en tous cas la voie choisie avec trois menus mis en place l’automne dernier et proposés pour la réouverture de mi février. «Au bord de l’Endre», «Balade sensorielle» et «Trésors des Gorges» traduisent la créativité et le lien renforcé entre le duo de chefs et leurs producteurs locaux.
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Les ravioles façon Philippe Da Silva, foie gras et huile d’olive de Callas restent un marqueur de la « cuisine d’avant ». Les escargots et cuisses de grenouilles, purée de panais, sont déjà connues. Mais l’huître de Tamaris, tête de porc et poireaux aux algues, sauce Vermouth , apporte iode et délicatesse inédite et le mouflon en deux cuissons, épaule et gigot confits, tian de coing et céleri, sauce genièvre, est une découverte tout en finesse.
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Une pause ? Avec un granité au citron et sorbet absinthe du Château Saint-Martin. Et des saveurs terre-mer comme le denti de Méditerranée poêlé, cèpes et sauce raifort et l’agneau en deux cuissons, braisé et rôti au thym. Du velouté de topinambour aux chanterelles et amandes grillées, nuage de lait infusé à l’huile d’olive de Saint-Julien, jusqu’à la figue de Solliès pochée aux épices, crémeux à la feuille de figuier et sorbet figue, création du chef pâtissier Cyril Gérard, on retrouve l’art des jus et des sauces, la quête du détail, une subtilité constante. Les Gorges de Pennafort ont toujours du talent.
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Mais qu’en est-il de la place accordée aux producteurs locaux ? Rien de très original, tant la moindre cambuse vante aujourd’hui le fameux «circuit court». Sauf que ce devoir de vérité est ici respecté et recherché. Les escargots de la Ferme de l’Espigaou à Callas, l’huître de Tamaris (La Seyne-sur-Mer), le pain de Figanières (Maison Oudard), l’huile d’olive du Domaine Saint-Julien (Tourves), le brebis de la Fromagerie La Pastourelle à Chateaudouble, les agrumes du Domaine de Jasson (La Londe-les-Maures), le mouflon du Domaine de Cuiros (Comps sur Artuby), le safran des 4 Lunes (Callas), les figues de Solliès (Domaine Fabre)… qualité et sincérité sont partout en terre varoise.
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On y voit surtout plus clair depuis la mise en place des menus, généreux et au rapport prix-plaisir sans guère de concurrents, on apprécie la tenue de salle et l’engagement du service dirigé par Vince Andjelkovic, celui du vin par Odile Denoyelle, le grand écran, salle et terrasse, ouvert sur le «Colorado», sans oublier le précieux contrat de fidélité avec les clients…
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Alors qu’en pense le guide Michelin ? Question annuelle et obsessionnelle. On ne devrait même plus l’écrire tant le guide rouge, qui a pris le Fooding et The Fork sous son aile, a d’autres engouements, parfois plus sévère ou amnésique avec les «anciens» qu’avec la jeune génération. Pourtant, Les Gorges de Pennafort, hospitalière et raffinée, aux sages audaces et à la rigueur égale, «vaut bien» une étoile. Perdue hier, retrouvée demain ? Réponse lundi 31 mars à Metz lors de la cérémonie de l’édition 2025. Mais les clients n’attendent pas ce verdict. Ils sont, à l’année, en complicité avec Anthony le bourguignon et Julien le varois (d’Ollioules), ils saluent l’affirmation du lien avec les producteurs locaux, cette maison est la leur et pour eux, Pennafort sera toujours Pennafort.
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Les Gorges de Pennafort, D25, Callas. Tél. 04 94 76 66 51. Menus 75 € (à déj. mercredi à vendredi, sauf fériés et juillet- août), 95, 115 et 180 €. Carte environ 110/130 €. Fermé lundi, mardi, dimanche soir, (ouvert mardi soir, 17 juillet/15 aout).
Site www.hostellerie-pennafort.com
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