Il y a quinze ans, descendu du village perché des Hauts de Cagnes, dans les Alpes-Maritimes (“La Table d’Yves” première version), Yves Merville achetait un ancien club de tennis dans la plaine de Fayence. Courts désaffectés en pleine nature et no man’s land culinaire…
Après Alain Carro, qui avait, le premier, évangélisé le territoire au Castellaras, il apportait sa gastronomie sans heurter la vie de village. Le feuilleté aux chanterelles parfumé à l’anis et les fleurs de courgettes farcies aux artichauts et truffe étaient dans cet ordre d’idée. Le chef n’arrivait pas les poings faits au prétexte d’avoir passé quatre ans au Lucas-Carton d’André Senderens, bourlingué pour la chaîne Méridien aux Seychelles et en Martinique et dirigé près de dix ans les cuisines de l’Hôtel Royal Riviera (Saint-Jean Cap Ferrat).
Aujourd’hui, que dit la sienne ? Elle est d’un classique assumé et joue en fond de court, hors de portée des tables start-up. Merville des champs est un sûr technicien, fidèle à l’exercice saucier, aux plats sans artifices (le filet de lisette en escabèche, caviar d’aubergines) et d’heureuse nature (jamais vaincu, l’oeuf poché façon meurette, fondue d’oignons nouveaux, lardons et champignons).
Jus, cuissons, produits (ah, les légumes de Jean-Charles Orso, ceux de La Grande Bastide, les fromages de brebis de la Ferme des Claux, voisine), il n’y a ni embardées ni surprises mais des plats en bonne forme (la cuisse de lapin désossée et confite au citron, le quasi de veau rôti, jus corsé, laitues braisées et morilles farcies) et certains desserts à n’effacer de la carte sous aucun prétexte, comme la tarte feuilletée au fenouil confit, crème légère à l’anis étoilé, placée sous haute surveillance des habitués.
Accueil charmant d’Isabelle Merville et service attentif, la maison est sage comme une image, le décor fronce un peu les sourcils – skaï noir des chaises, murs beiges, tentures marron – mais au moindre beau temps la terrasse-patio avec bassin, sculptures et vue sur le village, a l’humeur aux vacances.
Et si le pays de Fayence ne manque pas de bonnes tables, on vient ici pour manger bon et clair et se rassurer sur les relations prix-qualité, excellentes à 32 et 47 €. Yves Merville fait dans l’expérimenté et le fondamental, loin des adresses étoilées mais fier de savoir que son fils Corentin y excelle. Lui est tombé dans la marmite ! Après Lameloise à Chagny, aujourd’hui à Paris aux côtés de Pascal Barbot, 3 étoiles hyper créatif de la rue Beethoven (L’Astrance), la sienne est remplie de potion magique. Père et fils échangent à distance techniques et secrets de générations. Un jour dans le sud, peut-être cuisineront-ils ensemble ?
Infos pratiques
- Adresse : La Table d'Yves, 1357 route de Fréjus, 83440 Fayence
- Tél : 04 94 76 08 44
- Site : www.latabledyves.com
- Menu : Menus 32 et 47 €.
- Carte : Env. 45/55 €
- Fermeture : Fermé mercredi et jeudi