Hyères. « La Colombe »: trente ans et toujours jeune

Un restaurant, c’est une histoire. Qu’il soit créatif ou frileux, allumé ou conservateur, il y a toujours un chapitre à retenir, surtout quand il défie le temps. Prenez La Colombe, quartier de La Bayorre, entre Hyères et La Crau.

Nadège et Pascal Bonamy l’ont ouvert il y a trente ans et le 8 septembre, date anniversaire, c’était jour de fête et il y avait foule d’élus, notables, clients fidèles, fournisseurs, amis du métier (ceux de la première heure, Stéphane Lelièvre et Jean-Claude Santioni).  Normal, cette table hyéroise, connue pour sa cuisine et son maintien, est si attachante.

Oubliez la devanture anonyme, le carrefour, la route nationale jamais épuisée qui interdit une terrasse, la petite rue de l’école qu’on prend pour le parking (il est à 30 m)… et poussez la porte ! C’est comme chez Cendrillon : l’intérieur roule carrosse, catégorie « table bourgeoise ». Un chic sobre et soigné, deux salles aux bois clairs, lumière, bar, buffet aux alcools et spiritueux, patio pour les beaux jours. Ici nulle trace de cuisine moléculaire ou assimilée. Du bon sens, de justes cuissons et l’attachement au pays, tant que vous voulez ! Le terroir, dès l’épatant menu « Soleil » – la daube de poulpe au vin rouge et lard fumé – le dressage d’assiette, un copieux convenable et pour boire « local », une cuvée du Domaine Filhea, aux vignes voisines.

Ce qui compte, c’est le contrôle et la ligne de saveurs. Alors confiance au menu à 45 € et son automne-hiver bien campé avec velouté de potimarron aux dés de foie gras poêlés et noisettes torréfiées, Saint-Jacques, espuma aux fruits de la passion et purée de carottes au cumin et les escalopes de ris de veau, risotto nero, réduction de Banyuls. Il y a rondeur et gourmandise, l’expérience qui fait durer une table et le clin d’oeil au pays, comme, en fin de parcours, un chichi frégi, ce « plat de rue », coquinerie provençale et populaire, adapté en sage dessert et que vous ne trouverez certainement pas ailleurs.

Alors, paix à « La Colombe », cette table de résistance à l’accueil adorable, à la cuisine régulière. Trente ans, çà use les fourneaux et souvent le chef qui les tient. Sauf s’il s’appelle Pascal Bonamy – Pascalou pour ses intimes – pur hyérois, fils de boulangers, au parler « nature » et qui a gardé la fibre du cuisinier, ce qui devient courageux. L’activité traiteur consolide l’affaire et jusqu’aux villas huppées du littoral on fait appel à l’expérience de ce passionné modeste mais pas peu fier de voir un de ses anciens apprentis devenu second d’Alain Passard à L »Arpège ! Et si, au lieu de filer entre Hyères et Toulon comme si vous aviez la faim aux trousses, vous faisiez un détour par La Bayorre !