Hier, c’était l’Hostellerie Bérard. Mais aujourd’hui, qu’en est-il de René’Sens?… C’est toujours la même maison d’hospitalité et de gastronomie qui a fêté ses cinquante ans en 2019 et dont la devise pourrait être cuisine, famille, terroir. Danièle et René Bérard et à la tête des cuisines leur fils Jean-François, ont simplement joué avec les mots sens et renaissance, suggérant un élan nouveau.
Alors que les temps sont difficiles pour certaines adresses dites «anciennes», ils rappellent que L’Hostellerie sait se remettre en question et reste dans la course, étoilée depuis 2006, intacte dans son identité mais plus simple dans l’approche culinaire, la conduite de salle et un art de la table qui abolit nappage et cérémonial.
Je confirme cette lucidité, ayant en mémoire des plats «signés Bérard» qui ont concilié au fil des années audaces et fondamentaux. Le foie gras en deux façons avec la mandarine et poire safranée, l’escalope en cocotte, citron et sabayon pomme verte, le pigeon façon pot au feu en bouillon épicé, un millefeuille de blettes, escargots petits gris à la suçarelle ou une langoustine en chaud-froid, jus de pomme verte, crème à la moutarde et caviar Kristal… Entre René et Jean-François, l’histoire de transmission a fonctionné, le premier léguant l’enracinement provençal, le second, formé chez Vergé, Ducasse, Chibois et Anton, apportant un sud plus contemporain.
Aujourd’hui, «Jef» reste sur cette recherche et l’accentue encore dans l’attention au produit et une lisibilité accrue. La Saint-Jacques de la baie d’Erquy, truffe noire, huître de Tamaris (Maison Giol), jeune poireau et sauce champagne est une entrée en grande tenue. Le foie gras poché, légumes, truffe noire et consommé de bœuf reste un bel exemple d’équilibre. Le loup, brocolis et chou kale, langues d’oursin et citron confit est parfait dans l’accélération des saveurs et la pomme de ris de veau dorée, poire comice, comté, coriandre, menthe poivrée et fumée végétale semble résumer à elle seule cette gastronomie nouvelle.
René’Sens ou renaissance, qu’importe, il y a du bon sens en cuisine et dans la salle offrant l’une des plus belles vues sur les vignes du Bandol. La Provence est relue mais pas sanctuarisée, la cave fait référence et le menu végétal va dans le sens de l’histoire. Enfin, quel meilleur avocat que Jean-François Bérard, chef enthousiaste et sensible, pour détailler un plat, souligner un accord parler en érudit des variétés de légumes, fruits et herbes aromatiques cultivées dans le jardin extraordinaire du mas familial, La Bastide des Saveurs ? Dans un contexte singulièrement difficile pour la restauration, sa maîtrise et son empathie, le choix d’une cuisine qui avance et réconforte à la fois, voilà en effet qui fait sens !
Rue Gabriel Péri. Tel. 04 94 90 11 43. Menus 42 € à déjeuner, uniquement de mercredi à vendredi. Menu végétal 72 €, Menus 79, 109 et 139€.