Depuis la mi juin, Alain Llorca a ajouté à la table gastronomique de son hôtel-bastide une terrasse dédiée à la cuisine des tapas. Ce concept n’est pas si éphémère qu’il y paraît et le lieu devrait même se transformer au fil des saisons. Mais pour l’heure, vive cette séquence estivale et son rituel ibérique.
Cannois aux racines catalanes, Llorca n’est pas un débutant dans l’art d’interpréter les tapas. Chef du Chantecler à l’Hôtel Negresco – il y a un petit quart de siècle – il avait transformé son menu dégustation en une «ronde» décoiffante pour l’époque. Tartelette à l’anchois et langoustines, ravioli de mascarpone aux truffes cuites et crues, supions croustillants et olives taggiasque de Ligurie… çà secouait ferme sous les ors du palace niçois.
Cinq ans plus tard, reprenant le Moulin de Mougins de Roger Vergé, il récidivait avec un best of millésimé inspiré par Ferran Adrià, le génie d’El Bulli, et proposait un formidable sushi de paella et coquillages de Galice ou encore un nem de rouget de roche, vinaigrette de son foie et un foie gras chaud tartiné chutney-mangue.
Aujourd’hui, il retrouve le goût de jouer avec couleurs, saveurs et textures en même temps qu’il diversifie l’offre de son restaurant à flanc de colline. Sous la terrasse de sa table gastronomique, étoilée depuis 2012, il a réaménagé la seconde, dédiée aux banquets. Décorée et végétalisée par l’architecte d’intérieur Jacqueline Morabito, elle devient un «jardin» au mobilier vert tendre, peuplé de vignes, oliviers, citronniers, piments d’Espelette… et alterne espaces intimes et tables d’hôtes, toujours avec vue imprenable sur Saint-Paul de Vence.
Le menu en sept services, changé régulièrement, est l’une des affaires de l’été sur la Côte. Subtil, percutant, il s’ouvre avec une crème andalouse (salmorejo), la coca, tourte craquante à la soubressade de porc noir ibérique et une brochette de poulpe, mayonnaise au chou rouge qui aurait pu inspirer Salvador Dali. Entre notes épicées, douceur et légèreté, suivent la terrine de macaronis, vinaigrette au curry, le saumon mi-cuit au rougail d’aubergine, une savoureuse entrecôte marinée au soja et concombre et pour finir, un sushi crème vanille passion et un vacherin de fruits rouges et crème chantilly de Jean-Michel Llorca.
Aussi haletant qu’un roman picaresque, ce menu alterne images, couleurs et récit et nous rappelle qu’en Espagne, leur pays natal, ces brèves de comptoirs dégustées, debout, d’un bar à l’autre, sont un fait culturel, une invitation (convida) au partage et parlent une langue compréhensible dans le monde entier (1), parfois au risque des pires portions.
Il faut alors quelques grandes signatures (Ferran Adrià et Alain Dutournier en particulier) pour sublimer l’expertise basque ( les pintxos de San Sebastian) ou andalouse et enrichir le registre de ces «rations unies». Alain Llorca cultive ainsi son Jardin méditerranéen, mêle traditionnel et contemporain et retrouve l’art de mettre les grands plats dans les petits.
- Lire l’indispensable «Roman des tapas » (Editions Jean-Paul Rocher 2010, préface de Ferran Adrià) d’Oscar Caballero, grand journaliste et fin observateur de la gastronomie.
«Au jardin d’Alain Llorca», hôtel-restaurant Alain Llorca, 350 route de Saint-Paul, La Colle-sur-Loup. Tel. 04 93 32 02 93. Menu 69 €. Ouvert, le soir uniquement, de jeudi à lundi.
Au restaurant gastronomique, menu du marché (à déjeuner) 69 € (3 plats) et 99 € (4 plats). Menu Collection 147 € (5 services) et 215 € (9 services).
1 comment
j’ai connu la cuisine de M. Alain Llorca au Moulin de Mougins, et il m’avais conquis avec un colin, palourdes, girolles….un plat qui reste dans ma memoire. J’ai retrouve le chef a La Colle sur Loup, merci pour cette nouvelle note sur cet endroit actuel et dans le coup!