C’est une auberge façon maison d’hôtes, si l’on veut, peut-être un restaurant, sans doute une auberge… Tout simplement, c’est la maison que Mickaëlle, Louis-Philippe et Alexis ont créée en haut-pays niçois, en lisière du Parc National du Mercantour entre les vallées de la Tinée et de la Vésubie. Elle est mon coup de cœur de l’année.
Je l’avais découverte il y a un peu plus d’un an lors d’un midi ensoleillé aux saveurs inédites. Produits, savoir-faire, éloge du végétal, décor, maîtrise du temp, vins nature… tout était calé ou presque. Mickaëlle Chabat, Louis-Philippe Riel et Alexis Bijaoui (1) avaient les idées claires sur leur projet imaginé et conçu à partir d’un lieu brut. Il fallait absolument y retourner, cette fois pour la nouvelle version du soir, un menu en sept plats devenu la signature, jamais figée de l’auberge.
Premiers pas, premières évasions. Ce 25 septembre, comme chaque soir d’ouverture, les amuse-bouches ne font pas de la figuration : omelette roulée, saucisse au sang; jus de poisson de roche et brioche au levain; velouté de carottes, crème montée à l’immortelle… l’art du végétal est en route. Puis çà vibre, interroge, séduit. L’espadon, rhubarbe et huile de rose est une délicatesse absolue, importée du littoral du Cros de Cagnes ; une fleur de courgette farcie, comme «habitée», beurre blanc à la citronnelle, sabayon beurre-noisette; le céleri rave confit, condiment poire-foin, jus de céleri brûlé, émulsion aux coques de noix, qui synthétise peut-être le mieux l’esprit de l’Auberge.
A nouveau l’espadon avec tête de porcelet, chanterelle et huile de livèche ; un peu plus tard le carré de porcelet, sauce tomates rôties, amande, piment et tomate confite forme la clé de voûte, . Et cet ultime dessert qu’on aurait bien emporté, blotti contre soi comme un trésor au sucré délicat : crème patissière au pain grillé, glace aux peaux d’aubergines rôties et fleur de sel…
Aucun effet de style dans cette cuisine à quatre mains. Mais une solide expérience, des accents inédits, sauces, jus et condiments, la compagnie des légumes comme autant de lutins, des accords qui vous envoient au ciel, ponctués de notes aromatiques (agastache, hysope, bourrache, amarante…)
J’aime cette maison calme à une heure de Nice, regard plein sud sur les cimes du Mercantour. Son naturel – accueil, partage, confort, atmosphère – une simplicité authentique, sa recherche du goût, l’union de la cuisine et du choix de vie, l’armoire vitrée aux vins nature et la carte sans sectarisme de Mickaëlle. En salle, à ses côtés, un sourire passe, celui, enjoué, d’Alexia qui a couru le monde avant de rejoindre La Roche. Le service de midi a été abandonné au profit de dîners pour seize à dix-huit personnes, en majorité des clients qui dorment à l’auberge. La Roche régale en petit comité mais le cercle de ses clients s’élargit chaque jour.
Il y a deux ans, elle était encore l’inconnue du Mercantour (voir sur mon blog, l’article du 10 juin 2021). Aujourd’hui magazines et réseaux découvrent son charme spontané, l’absence de luxe ou d’arrogance. Il y a des tables où l’on revient en traînant le pas. A La Roche, on se dit «à très vite !» et on y croit. L’an prochain, un espace spa sera construit sur une restanque en contrebas et une sixième chambre-cabanon à l’architecture bois naîtra peut-être à ses côtés.
Fin octobre, Mickaëlle, Louis-Philippe et Alexis prendront des vacances pour réouvrir mi décembre. Le carnet de réservations, lui, se remplit à vive allure mais tentez une réservation, un coup de cœur n’attend pas ! Allez-y avec une jolie faim, un désir aubergiste, une envie de bien être, sans comparer l’adresse ni penser à une gastronomie qui serait hors sujet. La Roche ne rêve pas d’étoiles mais celles qui brillent dans le ciel du Mercantour sont sa plus sûre récompense.
(1) En cuisine, Louis Philippe Riel, ex du “6 Paul Bert” et de « La Cave Paul Bert” à Paris, et Alexis Bijaoui, ex sous chef junior d’Alain Passard à L’Arpège, et sous chef chez Dan Barber à New York.
Face à la mairie annexe, La Roche Valdeblore. Tel. 04 93 05 19 07. Menu unique 90 € (4 amuse-bouches et 7 plats). Ouvert, à dîner seulement, de jeudi soir à mardi matin. 2 ch. et 3 suites aux terrasses privées à partir de 350 € (demi-pension incluant dîner et petit-déjeuner pour 2 pers.). Fermé du 1er novembre au 15 décembre. laubergedelaroche@gmail.com