Six-Fours (port du Brusc) “Riviera III”: Pierre le discret

A «Riviera IIII», un œil côté rue, un œil côté mer, Pierre Lorin réussit une cuisine sensible et personnelle. Vive sa Méditerranée !

Plus que dans les Alpes-Maritimes, les chefs du Var sont «d’ici», ils ont grandi entre mer et collines, ont usé leurs culottes sur les mêmes bancs d’école, souvent dans l’aire toulonnaise, ils vivent cuisine, mistral, rugby et rivalisent sans (trop) se chamailler. L’environnement et l’appartenance avant la compétition… bonne pioche varoise !

Dans cette pépinière de trentenaires, Pierre Lorin, né à Sanary, est l’un des plus discrets mais ce créatif formé au management – un atout – séduit par sa maîtrise. L’aventure «Riviera III» a commencé en 2013, lui en salle, Benoît Simian en cuisine, aujourd’hui chef de L’Arumà Hyères, récompensé cette anne par un Bib gourmand du guide Michelin. Depuis trois ans, aux côtés de Sara, Pierre poursuit seul son chemin de gastronomie, quête locavore sans oeillères et sans fureur bio. Sur le petit port du Brusc, face à la prud’hommie des pêcheurs, il est l’inspiré raisonnable à visiter d’urgence. 

Douceur et percutant du consommé de pois chiches à l’huile d’olive, avec cade grillée, pointes croustillantes et noix, un mix réussi asperges et œuf coulant, au sarrasin grillé kashaet vinaigrette au cerfeuil, la découverte du migliacci de la mer, relecture de la spécialité de Haute-Corse, avec un pain au brocciu et farine de châtaigne, pointes d’encornets et crémeux de saint-jacques, puis un maigre à la plancha, écrasé de pomme de terre et olives noires, haricots rouges du Japon (azuki) et pesto de roquette, enfin l’épaule d’agneau rôtie au thym, flageolets bio au jus de viande et aïoli… si la conclusion flanchait un peu avec la pavlova au citron, hyper meringuée, quelle justesse dans ce menu ! J’ai aimé l’empathie, la lecture personnelle de la Méditerranée, une carte courte et changeante, le conseil du vin et l’accueil discret de Sara, la compagne de Pierre.

Vitrine côté rue, petite terrasse toscane côté mer, intérieur hétéroclite et chaleureux aux pièces et objets «créés maison», coin salon, banquettes et coussins de couleurs, fauteuils club années trente, nostalgie des libres sixties… le décor est aussi attachant que la cuisine est juste et sensible.

Quant au rapport qualité-prix, indiscutable, il rassemble depuis longtemps un fan club varois et européen que Pierre Lorin enchante et que Michelin désespère. Alors, à quand un Bib Gourmand ?…