Attention, avis d’éloges en rafales ! Cet article contient des adjectifs pouvant provoquer une addiction immédiate à ce restaurant du centre ville. La preuve… Ouvert depuis un an et demi par Mitsuyasu Mashita (appelez-le Mitsu) et son épouse Yumiko, L’Orangerie est l’une des tables les plus sincères, sérieuses et savoureuses que je connaisse sur la Côte d’Azur. Rien d’étonnant si l’on sait que Mitsu Mashita a travaillé quinze ans à l’Hostellerie Jérôme (La Turbie) comme second de Bruno Cirino (1). Cela forge un mental à toute épreuve, oblige à l’essentiel et garantit de passionnants souvenirs de cuisine.
L’Orangerie fait clair et bon, ne délivre aucun message et ne prétend pas à la gastronomie d’altitude. Est-ce pour cela que l’adresse semble oubliée par les guides nationaux ? Sauf erreur de ma part, aucune mention au Michelin et au Gault&Millau. Dommage ! Pourtant quelle justesse dans sa «cuisine française» et méditerranéenne ! Précise et délicate comme savent l’interpréter les chefs japonais épris de culture, elle séduit par des assiettes sans minimalisme ou effets de style. Vérité du goût plus que virtuosité, c’est le juste produit, sa proximité et la manière de l’accompagner – légumes, jus et sauces, épices, condiments – qui importent.
Les cœurs d’artichauts à la barigoule, chips de jambon cru, la ballotine de pintade au foie gras, champignons marinés ou un bavarois de chou-fleur, coulis de brocoli, tartare de fruits de mer sont des entrées d’envie aux notes végétales. La joue de bœuf braisée au vin rouge, parfumée aux sanshos (poivre des montagnes), réjouit avec classe, cuisson exacte et purée de panais légérissime. Les noix de Saint-Jacques poêlées passent allègrement du Cotentin à la Riviera, savoureuses et sudistes avec sauce anchoïade et petits légumes, alors que le risotto accueille la douceur des shiitakés et de petits champignons italiens. Enfin un chausson aux pommes – variété Reine des reinettes – avec sa glace conclut un déjeuner sans fautes où on n’a pas oublié le bonheur du pain maison (une foccacia au levain naturel) et un «pain de dessert» aux pruneaux, raisins et noix, croûte d’avoine fermenté, véritable cadeau de gourmandise.
Cette maîtrise et cette attention au détail valent bien mieux que l’étiquette «semi gastronomique» des débuts, tant les plats sont bons et clairs. Le service ? Adorable et attentionné, conduit par Yumiko, elle aussi enrichie par ses «années Cirino», en salle à La Turbie. Quant à la clientèle, devenue sans tarder un fan club gourmand, elle est acquise à cette table dont le menu quotidien – entrée, plat, dessert, 39 € – est un modèle de sagesse.
A Menton où JR Bistronomie de Jérôme Rigaud est aussi fort recommandable et où Mauro Colagreco porte haut et loin ses 3 étoiles du Mirazur et confie ses pains bio de Mitron Bakery rue Pieta et à l’étal du marché des Halles, L’Orangerie, salle claire et moderne, cuisine à vue et charmante terrasse sous l’oranger, a ainsi de beaux jours à offrir. On dit bien «à Menton», à la fois proche et éloignée des autres villes du littoral. Imaginons Mitsu et Yumiko recentrés à Nice, Cannes ou Antibes, quelle aubaine… mais Menton l’ensoleillée n’est pas la terre des confins et vaut bien un court voyage d’ouest en est pour découvrir L’Orangerie, table de confiance et mon premier coup de cœur de l’année !
(1) L’Hostellerie, 2 étoiles Michelin, est aujourd’hui fermée. Mais Bruno Cirino tient Racines, 3 rue Clément Roassal à Nice, où il propose une «cuisine potagère» exceptionnelle du mardi au samedi, le soir seulement.
L’Orangerie, 3 rue de la Marne, Menton. Tel. 04 97 14 84 91. Menu 39 €, menu dégustation 58 € (2 entrées, poisson, viande, pré-dessert, dessert). Fermé dimanche et lundi.