A deux pas de la place du Casino, l’enseigne, discrète, rappelle ce que fut Rampoldi. Une brasserie de luxe ouverte en 1946, qui mena belle vie et honorable cuisine avant de s’éteindre, au terme de quatre années de fermeture. Aujourd’hui, la page est tournée, la résurrection acquise et l’adresse tourne fort au rythme d’une chic bistronomie et de plats de tradition sur lesquels veille depuis sept ans Antonio Salvatore, chef et stratège du Rampoldi contemporain.
Mais c’est en sous-sol que ce natif de Matera, la ville troglodyte de la Basilicate, donne le meilleur de son talent étoilé. Quelques marches conduisent à la salle façon club privé, ex espace lounge et fumoir aux coffres dorés, devenu un restaurant du soir, élégant et festif. Si aucune fenêtre n’offre les lumières de la Riviera, un mur-écran en dit long sur les images du monde et le spectacle de la nature. Vagues, volcans, déserts ou glaciers, c’est merveilleux la terre, mais le sujet est bien ce restaurant d’atmosphère et son raffinement culinaire. On est en petit comité, limité à cinq tables pour une semaine aux cinq dîners, du mardi au samedi. Le dépaysement gastronomique commence ici, à La Table d’Antonio Salvatore au Rampoldi, où le chef étoilé interprète en virtuose terroirs italiens et gastronomie méditerranéenne.
Du traditionnel vitello tonnato piémontais, délicieusement revu et allégé, sauce au thon, poivrons fumés et poudre de câpres, jusqu’à une variation inattendue de la volaille de Bresse – hommage à Georges Blanc – sauce crème caramel, faux risotto de blé, caviar de citron et gingembre, il s’écarte des conventions et fait de chaque plat une exclusivité.
J’ai aimé cette précision, le luxe assumé, une technicité sans effets de manches et le produit, “pauvre” ou noble, invité au meilleur rang. Ainsi les artichauts, associés aux asperges de Bassano, huile de persil et crème fraîche, amandes, caviar et truffe noire. Ou une soupe de crevettes rouges de San Remo, tagliolini de pâtes fraîches et pistaches de Bronte (Sicile), réussite de naturel et de simplicité. On peut aussi prendre une leçon de risotto «Alla Nerano», proposé en trois séquences, le riz carnaroli aux courgettes trompettes d’Albenga, celui au basilic ligure, enfin au Provolone del Monaco (fromage de vache des collines amalfitaines).
Les desserts sont sur la même ligne, savoureux, délicats, certains sages comme des images d’enfance («Le bois enchanté», ganache à la fraise, chocolat équatorial et purée de fraise, quenelle de yaourt parfumé d’agrumes, papillons croquants et fruits des bois).
Sur l’écran, la terre ne s’arrête pas de tourner et fait de la figuration intelligente tandis que veille un service parfait d’attention, commentant simplement chaque plat et confectionnant les cocktails «au chariot» (1). Le plaisir de la dégustation, la maîtrise d’Antonio Salvatore, le luxe à l’italienne… c’est une table à retenir pour un dîner de fête ou un moment romantique. Un Rampoldi «à part», singulier et charmeur, jouant sa mélodie en sous-sol, différente des autres gastronomies de la Principauté mais assurément à découvrir.
(1) Comme le propose Cairo Josue Donati, jeune italien-nicaraguayen qui crée au chariot «Il Fresco de la Riviera », délicieux cocktail avec Gin de Sardaigne, Chartreuse, Cointreau, basilic, blanc d’oeuf, citron vert, pomme verte…
La Table d’Antonio Salvatore au Rampoldi, 3 avenue des Spélugues, Monte-Carlo. Tél. Rampoldi Monte-Carlo : + 377.93.30.70.65. Tel. de La Table +377.93. 30.70.44. Carte env. 90/140 €. Menu Tradition 170 €, Menu «A main libre» 225 €. Site : www.rampoldi.mc
Rampoldi Monte-Carlo ouvert tlj. La Table d’Antonio Salvatore au Rampoldi, fermé dimanche et lundi.